Combien sont-ils, ces révoltés ? Une minorité, probablement. Au plus un vilain petit canard dans certaines familles. Pas content du sort qui lui est fait. Cela m’a fait penser à ce que dit Tocqueville de la chute de l’Ancien régime. Plus on en donne au peuple, plus il est mécontent. Car il a le plein emploi, d’abord. Mais surtout l’éducation, qui s’étend comme jamais avant. On met un terme à la scission secondaire / primaire ; les études s’allongent ; tout le monde a accès à un niveau de qualification sans précédent : les ouvriers, les paysans, les femmes, en particulier. Mais, au lieu d’en concevoir de la reconnaissance, c’est la conscience de l’injustice qui gagne la société. On découvre l'échec scolaire et que tout le monde ne peut pas être polytechnicien. Et l’éducation est un temps d’oisiveté et d’ennui propice aux révoltes.
Ce qui me surprend, c’est à quel point le ver était dans le fruit, avant 68. Les grèves semblaient endémiques. Avaient-elles une raison, d'ailleurs ? Et le patronat lâchait systématiquement. Car ce n’est pas la dureté de la société qui fait 68, mais sa couardise. A commencer par celle de De Gaulle. Pitoyable. L’homme, qui devait le pouvoir à son charisme !, prend la fuite devant une poignée de manifestants. Pendant ce temps, Pompidou prépare dans l’ombre le régime qui nous vaut l'admiration du monde.
(DAMANE, Dominique, GOBILLE, Boris, MATONTI, Frédérique, PUDAL, Bernard, Mai, Juin 68, Les Editions de l'atelier, 2008. )