Dès sa toute première édition en 1895, la Biennale de Venise a connu son premier grand scandale, causé par une peinture qui a déclenché de grandes interventions publiques et la curiosité croissante du public.
Voici la description de l’œuvre faite à l’époque par Romulus Bazzoni, un collaborateur depuis le début du légendaire secrétaire général Antonio Fradeletto : "… un cercueil d’où émerge le visage cadavérique d’un homme, raidi par la mort, tandis que cinq jeunes et fraîches femmes nues l’entourent dans des poses de désespoir et voluptueuses en même temps…".
C’est Giacomo Grosso, né à Cambiano le 23 mai 1860 et mort à Turin le 14 janvier 1938, qui, avec sa peinture Supremo convegno (Le Rendez-vous suprême) autour du mythe de la fin de Don Juan, qui représente l’intérieur d’une église où un groupe de femmes nues entoure un cercueil ouvert dans lequel on aperçoit la figure d’un homme (qui pourrait être Friedrich Nietzsche) provoque ce scandale.
Cette œuvre provoque la condamnation du patriarche de Venise, Giuseppe Sarto, le futur Pie X, qui interdit au clergé de visiter la Biennale. Il a violemment rejeté l’invitation du maire Riccardo Selvatico pour visiter l’exposition en ces termes "... la rumeur dit, en ville, que parmi les œuvres d’art qui sont exposées, il en est une qui offense la pudeur et je vous prie de faire en sorte qu’il ne soit pas permis de la montrer."
Le maire, craignant peut-être une excommunication , avait quant à lui demandé un avis sur la peinture à une personne de culture catholique, le prestigieux écrivain catholique moderniste Antonio Fogazzaro.
"La peinture de M. Grosso – écrit Fogazzaro dans son article – est si violente et effrayante, un lien étroit entre la luxure et de la mort, de sorte que le spectateur sne peut qu’horrifier la nudité si brutalement étalée. Mais il semble difficile de condamner cette Assemblée suprême au nom de la morale … et puis , cher Selvatico, nous dirons que la peinture ne porte pas outrage à la morale publique".
La polémique éveille l’intérêt du public qui se précipite à la biennale, laquelle a été surnommée depuis la "Biennale de Grosso".
Cette œuvre disparaîtra dans un incendie, soit à bord d’un navire qui la transportait pour une exposition itinérante aux États-Unis, soit dans une salle lors d’une halte dans une ville. Il y a peu de documents sur la destruction de cette œuvre, et certains y voient même la conséquence d’une intervention discrète d’agents du Vatican.