Il y a des pays que vous avez souvent l’impression de connaître sans jamais y avoir mis les pieds. Votre imaginaire est nourri de sons, d’images d’épinal, parfois souvent de clichés ou de stéréotypes qui remontent au siècle dernier. Ce type de pré-conceptions, j’en ai sur pas mal de pays africains. Parfois, je suis dans le vrai, et parfois je suis à côté de la plaque. Pour ce qui est de la RDC par exemple, j’ai quelques bases comme tout le monde mais alors, le Congo-Brazzaville ? Mis à part quelques images de Pointe-Noire, je dois avouer que je ne savais rien de ce pays. Aucun élément, aucune certitude sur laquelle m’appuyer avant de partir. Du coup, ce voyage était une découverte intégrale. Mais d’ailleurs, pourquoi partais-je ?
C’était pour l’exposition organisée par ECair, la compagnie aérienne nationale. Vous pouvez lire mon interview avec la Directrice Générale de la société ICI. Départ de Roissy jeudi soir, court arrêt kérosène en Algérie dans la nuit, vol hyper confortable (big up à ECair pour leur professionnalisme !) et finalement, aux environs de 9h le matin suivant, j’ai commencé à apercevoir les terres congolaises..
Vu d’en haut, ma première réflexion a été: “Wow, c’est très….. VERT“. J’avais l’impression qu’on survolait des zones inhabitées, donc ça ne m’a pas plus étonné que ça. Mais au fur et à mesure que l’on se rapprochait de l’aéroport, je voyais que la verdure était toujours très présente. Assise à côté de moi, Marina du blog YBG (et qui est accessoirement congolaise des deux rives) m’a glissée: “On appelle Brazzaville Brazza la verte“. Ah, d’accord.
Aérogare des arrivées, Aéroport Maya-Maya de BrazzavilleComme tout le monde je crois, la première fois que je débarque dans un pays, j’ai toujours le souffle en suspens tant que je n’ai pas traversé toutes les formalités. Je n’ai rien à me reprocher, mais je ne sais pas, j’ai toujours l’impression qu’un truc va arriver et que je vais finir par remonter dans l’avion sans avoir vu l’extérieur. Je vous rassure, tout s’est bien passé cette fois. Très bien même. Contrôle des passeport et livraison des valises compris, j’ai passé à tout casser 45 minutes entre la sortie de l’avion et la sortie de l’aéroport Maya-Maya. C’est une performance que je tiens à saluer, parce qu’en Afrique, vous savez souvent comment ça se passe…. Autre chose que je tiens à saluer: j’avais beaucoup entendu parler de la rénovation de l’aéroport brazzavillois. Dommage que je n’aie pu prendre de photos de l’intérieur, mais il est franchement moderne, propre, climatisé et on s’entend parler quand on y est. Autant dire que j’ai eu une pensée forte pour l’aéroport “international” de Douala, ses coupures de courant rassurantes et sa climatisation sélective… Enfin bon.
- Hôtel 5 étoiles en construction par les chinois en face de l’aéroport
L’impression que j’ai eu en survolant la ville s’est confirmée une fois qu’on a commencé à rouler vers l’hôtel. C’est vert, c’est spacieux. Je ne sais pas, j’attendais d’une capitale politique qu’elle soit frénétique, irrespirable, étouffante… mais ça a été tout le contraire.
Bien sûr, il y avait des embouteillages ici et là, mais dans l’ensemble, j’ai trouvé Brazza plutôt douce et très accueillante. Presque comme une capitale administrative d’une province éloignée.
Peut-être est-ce le petit chauvinisme camerounais qu’il me reste, mais malgré moi, je prends souvent Douala comme étalon de comparaison pour évaluer une ville africaine quand je la visite. Pour ce qui est de Brazza, j’ai trouvé qu’il y avait des ressemblances parfois très troublantes, notamment dans l’architecture, les activités informelles ou les aliments de base. Oui, finalement, les pays d’Afrique Centrale, en plus des frontières communes, ont une proximité culturelle réelle. Pas que j’en doutais vraiment, mais plus je visitais la ville, plus j’avais la sensation d’être chez des cousins éloignés du Cameroun. Cette sensation du “pas comme à la maison mais presque“.
Je l’ai dit plusieurs fois déjà, Brazza est verte, a un petit charme provincial mais je pense que ça ne va pas durer longtemps. Pourquoi ? A cause de la ChinAfrique. Ou devrais-je dire, de la fameuse “émergence deux-mille-mettez-l’année-qui-vous-arrange”. Autant vous le dire, Brazzaville est une cité en chantier PARTOUT. Je n’ai pas fait 100 mètres sans voir une grue au loin, lire des panneaux indiquant un chantier à proximité ou apercevoir des chinois en tenues de travail.
- Construction en cours d’un stade olympique à la sortie nord de Brazzaville
- Construction d’une cité nouvelle avec des milliers de logements
- Un des immeubles d’une “cité HLM” toute neuve dans le quartier de Talanangai
- Panneau annonçant la construction prochaine d’un centre commercial doté d’un stade
Je n’attendais pas cela forcément de cette ville, mais Brazza incarne vraiment pas mal la transition qu’entame l’Afrique en ce moment, avec son lot de contradictions. Il y a d’un côté, des immeubles qui poussent, des pavillons construits pour la classe moyenne, des routes en plutôt bon état… et de l’autre, un C.H.U. (surnommé “C.H.Tue“) où des gens meurent par absence de quelques francs CFA, des coupures de courant problématiques et des amphis d’université en surcapacité.
La volonté politique vient d’en haut, c’est-à-dire du “Père Denis”: il faut faire de Brazzaville un “hub” économique dans la région… Ce titre appartient pour l’instant à ma chère Douala, mais je dois reconnaître que contrairement à cette dernière… Brazza s’active, et à plusieurs niveaux. Je ne saurais bien l’expliquer, mais quand vous marchez dans la ville, vous sentez qu’il se passe quelque chose, qu’il y a des transformations en cours. Ce n’est pas forcément évident pour le moment, mais ça ressent, même quand on ne vit pas là.
Bien sûr, le plus compliqué reste de pouvoir matérialiser ce dynamisme de telle sorte que les habitants et le pays en profitent vraiment, mais ces choses prennent du temps. Et puis… mine de rien, Brazzaville panse encore des plaies pas si lointaines (guerre civile de 1997 et explosion meurtrière de Mpila en 2012). Ca aussi, vous le voyez quand vous faîtes attention aux impacts de balles sur certaines maisons. Vous l’entendez et vous le ressentez derrière le sourire et l’apparente tranquillité des gens. Y a un petit fond d’inquiétude qui persiste, on croit au “Plus jamais ça !” mais on reste quand même un peu sur ses gardes… Cela est aussi une caractéristique des pays en transition. Les traumatismes collectifs sont longs à soigner.
Bref, dimanche matin, mon guide est venue me chercher pour une visite en dehors de la capitale. Mais cela fera l’objet de mon prochain article, “Made in Brazzaville Part II”.