Manifestement déçu de sa prestation télévisée sur les plateaux de France 3 dans l’Émission « La voix est libre » et par la faiblesse générale de son argumentation, M. Besche-Commenge cherche visiblement à « refaire le match » dans les colonnes du Petit Journal, mais de manière à la fois déloyale et trompeuse.
Sous couvert d’un ton faussement journalistique – M Besche-Commenge se met maladroitement en scène lui-même comme s’il était interrogé par le journal – il affirme qu’en ma qualité de Conseiller Régional délégué en charge de la biodiversité, Maire d’Arbas et Président de l’association Pays de l’Ours – Adet, j’aurais menti durant toute l’émission.
Revenons donc sur les faits et point par point, voici les preuves qui valident l’ensemble de mes propos:
OUI, la Directive Habitats impose de restaurer la population d’ours dans les Pyrénées !
La Directive impose à la France une obligation de résultats en matière de protection des espèces prioritaires (annexe IV), dont l'ours brun fait partie. La situation étant différente d’un état à l’autre, la Directive laisse le choix des moyens d'y parvenir mais impose à chaque État d’étudier « l’opportunité de réintroduire les espèces de l’annexe IV, lorsque cette mesure est susceptible de contribuer à leur conservation ». Évidemment les réintroductions ne sont pas obligatoires dans un texte qui s’applique à tous les états, car il n’y aurait aucun sens à obliger certains – la Slovénie par exemple – à réintroduire des ours alors que la population n’est pas menacée. Mais dans les Pyrénées, il n’y a pas d’autre moyen de sauver l’ours que d’en lâcher de nouveaux. Il suffit pour s’en convaincre de lire les études de l’ONCFS ou la dernière du Muséum National d’Histoire Naturelle.
M. Besche-Commenge se croît-il plus compétent sur l’ours que les plus grands scientifiques mondialement reconnus ?
OUI, de nouveaux lâchers d'ours sont donc de fait obligatoires dans les Pyrénées !
La France fait d’ailleurs l'objet d'une procédure d'infraction par la Commission Européenne à ce motif, depuis novembre 2012. La France a déjà été condamnée par la Cour Européenne de Justice pour insuffisance de protection d'une autre espèce prioritaire, le grand Hamster en Alsace. Elle le sera à nouveau pour l'ours dans les Pyrénées si elle ne restaure pas sa population.
M. Besche-Commenge se croît-il plus compétent pour interpréter le droit européen que les juristes de la Commission Européenne... ?
OUI, L'ours est bien l’espèce-symbole des Pyrénées !
Le sondage de 2008 demandait « Quelle est l’espèce animale sauvage qui symbolise pour vous le mieux les Pyrénées ? »
Les Montagnards pyrénéens ont mis l'ours largement en tête avec 48%, loin devant l’isard (26%) et les autres espèces. L'ours est bien, selon les Pyrénéens, l'espèce qui symbolise le mieux les Pyrénées.
S’il en était besoin, les expositions sur l’ours en cours, à Foix comme à Toulouse, le confirment.
OUI, les Français comme les Pyrénéens acceptent et soutiennent massivement la présence de l’ours dans les Pyrénées !
Les faits sont têtus : tous les sondages d’opinion réalisés sur le sujet de l’ours mettent en évidence l’acceptation locale de la présence de l’ours :
- 2003, IFOP, Pyrénées : 86%
- 2004, ARSH, Pyrénées-Atlantiques : 77%
- 2005, IFOP, Pyrénées Centrales : 84%
- 2008, IFOP, Pyrénées : 69%
M. Besche-Commenge se croît-il plus compétent pour connaître l’état de l’opinion que les instituts de sondage ?
OUI, les populations locales ont bien été consultées avant les lâchers !
Contrairement à ce qu’affirme M. Besche-Commenge, la Directive « Habitats » ne requiert pas l’accord ou « l’adhésion » des populations concernées, mais leur « consultation appropriée ».
Comme ils doutaient que cela ait été fait pour les lâchers d’ours de 2006, M. Besche-Commenge et l’ensemble du mouvement anti-ours ont alors saisi les tribunaux. Et c’est le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction française, qui a tranché. Son arrêt du 23 février 2009, que chacun peut consulter, rejette l’ensemble de leur argumentation et précise : « ont été notamment associés à la concertation les élus locaux des territoires concernés, les responsables des organismes intervenant dans la gestion du massif, des comités départementaux regroupant les représentants des différents acteurs, les fédérations de chasseurs, les associations de protection de la nature et diverses instances scientifiques » et il conclue « les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée », « la requête [… ] est rejetée ».
Dans un état de droit, ce sont les tribunaux qui jugent de l'application des lois, pas les lobbies. Sérieusement, en contestant ces points de droit, M. Besche-Commenge se croît-il juriste plus compétent que les juges du Conseil d'Etat... ?
OUI, les emplois de bergers sont bien liés au retour de l’ours !
Petit rappel des faits : avant 1995, les aides publiques à l’embauche de bergers étaient quasi-nulles, les bergers n’étaient ni déclarés ni correctement rémunérés. Comme par hasard… c’est au moment où il décide de lâcher des ours que l’État commence à subventionner l’embauche de bergers, via le Plan Ours !
En 2005, alors que se prépare un nouveau plan ours, le Préfet de Région écrit dans le dossier de concertation du plan de renforcement « s’agissant plus particulièrement de pastoralisme (…) le ministère de l’agriculture a demandé (…) d’établir en concertation avec les organisations professionnelles agricoles et forestières une série de propositions de soutien de ces activités ». Cette démarche aboutira en 2007 au PSEM, Plan de Soutien à l’Économie de Montagne.
M. Besche-Commenge se croît-il plus compétent que le Préfet pour nier que le PSEM est une conséquence directe du plan ours ?
Que l’Administration ait eu ensuite la faiblesse de céder au lobby anti-ours pour dissocier le plan ours du PSEM ne change rien à l’histoire : l’essentiel des mesures en faveur du pastoralisme dans les Pyrénées est lié au retour de l’ours, et les bergers pour la plupart lui doivent leur emploi. Qu’ils ne l’oublient pas trop vite : ils sont alliés, à défaut d’être amis, et la disparition de l’ours si elle devait intervenir un jour entraînerait de manière inéluctable leur propre disparition.
Enfin, toujours à propos des bergers : Comment M. Besche-Commenge peut-il exploiter en l’exhibant la détresse de jeunes bergers confrontés à la prédation, alors que les techniques de protection des troupeaux ont été supprimées de la formation de bergers en Ariège dont il est un des principaux intervenants !? Le rôle premier d’un berger n’est-il pas de protéger les bêtes dont il a la garde ? Dans quelle mesure cette détresse n’est-elle pas organisée pour augmenter les dégâts et justifier l’opposition à l’ours ?
Manifestement, de moins en moins d’éleveurs partagent ce cynisme, si l’on en croit l’extension continue des mesures de protection depuis 15 ans, avec une efficacité chaque année meilleure. Ainsi, si les dégâts d’ours ont baissé de moitié depuis 2000 alors que le nombre d’ours a doublé, ce n’est vraiment pas grâce à M. Besche-Commenge !
Chacun se fera donc son opinion sur ce débat et sur qui cherche vraiment à manipuler l’opinion. Nous avons aujourd’hui 20 ans se recul sur le dossier de l’ours et cela devrait nous permettre à la fois de dépassionner les débats et d’objectiver les problèmes qui restent à résoudre.
Monsieur Besche-Commenge l’a dit dans l’émission : il reste 7 à 8 estives où l’ours pose encore un problème sérieux. C’est dire si nous avons avancé et si beaucoup d’autres questions ont été réglées !
Par respect pour les éleveurs qui connaissent encore des prédations, il faut les aider et leur dire la vérité. Ni leur faire croire que les ours pourraient être capturés comme l’a fait le Conseil Général de l’Ariège, ni qu’il n’existe aucune solution efficace, il faut travailler à leur côté pour faire en sorte que, à l’image de nombreuses autres estives, la mise en place de moyens de protection efficaces donne de très bons résultats.
Reste la concertation que vient de lancer Monsieur le Ministre de l’Écologie en vue d’un nouveau plan de renforcement. La encore, on peut se demander si les opposants vont une nouvelle fois la boycotter pour prétendre ensuite qu’elle n’a pas eu lieu, ou si enfin, chacun va prendre ses responsabilités et réussir ensemble à relever ce défi, dans l’intérêt des Pyrénées et des Pyrénéens.
François Arcangeli,
Conseiller Régional délégué en charge de la biodiversité, Maire d’Arbas et Président de l’association Pays de l’Ours – Adet