Les propos confidentiels tenus librement par le Président de la République en fonction ne peuvent être communiqués au public sans porter atteinte au droit à la protection de sa vie privée.
C'est ce que décide le Président du tribunal de grande instance de Paris, par une ordonnance en date du 14 mars 2014.
En l'espèce, le 26 février 2011, les propos du Président de la République sont enregistrés par Monsieur B à la résidence de la Lanternes à Versailles, alors qu'il s'adressait respectivement à son épouse et à ses conseillers.
Trois ans plus tard, le 5 mars 2014, le site Atlantico.fr, organe d'information électronique accessible sur internet, reproduit l'intégralité de cette conversation, avant de renvoyer les internautes, par des liens, à des extraits audios de cet enregistrement.
Suite à cela, l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy décide de saisir le juge des référés afin d'obtenir le retrait de l'enregistrement litigieux sur le site internet, ainsi que la condamnation de la personne ayant procédé à l'enregistrement.
Le juge fait droit à sa demande par l'ordonnance commentée, en :
- Enjoignant le site internet à retirer les propos litigieux dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 5000 euros par jour pendant un mois.
- Condamnant Monsieur B à titre de provision au paiement d'une somme de 10000 euros, en attendant le dénouement de l'action au fond.
La liberté d'expression permet-elle de diffuser des informations sur la vie privée d'une personne publique telle que le Président de la République, alors qu'elles ont été enregistrées à son insu ?
1) La caractérisation de l'infractionLe juge se fonde sur les articles 226-1 et 2 du Code pénal pour condamner l'enregistrement de ces conversations confidentielles.
Selon ces articles, constituent une infraction l'enregistrement et la communication au public sans le consentement de son auteur, de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel portant atteinte à sa vie privée.
Afin de caractériser une infraction, il est nécessaire de prouver l'existence de l'élément matériel et moral.
Or, pour le juge, ces éléments sont bien avérés en l'espèce dès lors que d'une part, l'appareil ayant servi à l'enregistrement a bien été retrouvé, et que sa dissimulation aux yeux de tous ne peut avoir été faite par inadvertance.
Dès lors, les propos doivent être retirés de la diffusion au public, et le responsable de l'enregistrement condamné au paiement de dommages et intérêts.
Le juge écarte par ailleurs l'argument du défendeur, qui estimait que la liberté d'expression donnait droit à la communication au public de l'enregistrement litigieux.
En effet, le Président du tribunal de grande instance de Paris se base sur l'article 10 § 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme pour rappeler la possibilité de restreindre la liberté d'expression, dans le cas d'une atteinte manifeste à la vie privée d'autrui.
Il précise ainsi que cette restriction s'applique à une conversation confidentielle enregistrée à l'insu de leurs auteurs, à condition toutefois que les informations enregistrées ne relèvent pas d'une question d'intérêt général.
Ainsi, le juge estime que le contenu de ces propos, tenus librement et ayant manifestement un caractère confidentiel, ne présentent pas un intérêt général tel que leur diffusion au public serait légitime.
Nous recommandons à toute personne physique ou morale se plaignant de propos diffusés sur internet, de saisir au préalable de toute action au fond le juge des référés, afin de mettre fin au dommage dans les plus brefs délais, et éviter une dégradation future de leur préjudice.