Des propos parus dans notre numéro d’octobre/ novembre 2013 « Profession politicien », et dont nous publions l’intégralité en exclusivité sur notre site.
Dans un rapport non publié de 2008 sur l’Assemblée nationale, la Cour des comptes relevait une hausse des dépenses de fonctionnement de 50 % en dix ans. Elle dénonçait aussi le caractère luxueux de la rénovation du 101 rue de l’Université qui regroupe des bureaux de députés. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il n’existe pas de rapport de la Cour des comptes sur l’Assemblée nationale. A ma connaissance, il s’agit d’une analyse assez brève et sommaire sur une partie du budget, qui n’a pas été validée par le président de l’Assemblée d’alors (Bernard Accoyer) qui avait sollicité la Cour et qui n’a pas été publiée.
Par contre, j’ai moi-même procédé à une étude précise du fonctionnement de l’Assemblée durant la législature précédente. J’y relève que le budget de l’Assemblée comprend les rémunérations de 577 députés et de leurs 2156 collaborateurs, ainsi que celles des 1233 fonctionnaires et d’une centaine de contractuels, les pensions de 1069 anciens députés et de 758 ayants droit, celles des 812 fonctionnaires retraités et de leurs 272 ayants droit sans oublier les 174 retraités et ayants droit des anciens conseillers de l’Union française et de l’Assemblée algérienne. Mais c’est aussi ce budget qui comprend les dépenses de santé des députés et des fonctionnaires.
Le budget de l’Assemblée correspond à celui d’une ville comme Nice et il est trois fois inférieur à celui du conseil général des Hauts-de-Seine
Bref, ce budget unique et global se monte à 527 M€ (dont 22 M d’investissements) en 2011 soit 20 € par an et par ménage. Cinq ans plus tôt, en 2006, le budget s’élevait à 552 M €, soit une diminution de 25 M€ (- 4,5 %). En toute rigueur il est plus cohérent de comparer les dépenses de fonctionnement : 504 M€ en 2006, 511 M€ en 2011, soit une hausse apparente de 1,3 %. Compte tenu de l’inflation le budget a diminué – en valeur réelle – de 6,5 %. C’est une belle performance. Le nouveau président a indiqué qu’il poursuivrait cet effort de rigueur que l’on pourra apprécier sur la période 2013-2016.
J’ajoute que, depuis juillet dernier, le budget de l’Assemblée (années 2011 et 2012) est consultable intégralement sur Internet. Cet effort de transparence, que je réclamais depuis longtemps, doit être salué, car le document publié l’est avec une très grande précision.
Bien entendu, l’Assemblée n’a pas d’activité bancaire. Les réserves dont elle dispose sont déposées dans des fonds communs de placement, non spéculatifs. Elles se montent à 145 M € (fin 2012) et servent à financer les investissements dont le montant varie au rythme des travaux. Cette trésorerie représente principalement un trimestre du montant du budget, ce qui est loin d’être excessif. Je précise que l’Assemblée n’accorde plus depuis 2010 de prêts immobiliers aux députés et aux fonctionnaires, mais perçoit les remboursements des anciens prêts.
En conclusion, je constate que le budget global de l’Assemblée est loin d’être excessif (0,16 % du budget de l’Etat). Il correspond à celui d’une ville comme Nice et il est trois fois inférieur à celui du conseil général des Hauts-de-Seine !
Avec 7100 € bruts mensuels d’indemnité parlementaire plus l’indemnité représentative de frais de mandat de 5770 € bruts mensuels, le député est-il, aujourd’hui, trop bien payé ?
Le député est à la tête d’une petite entreprise de service public. A cet effet, sa rémunération brute est de 7 100 € (5 400 € en net). Par ailleurs, les charges de cette entreprise s’élèvent à 5 300 € par mois (ce que l’on appelle IRFM) et les salaires versés à ses salariés se montent à 9 504 € par mois.
L’indemnité parlementaire est 2,5 fois supérieure au salaire moyen des Français
Le rapprochement de l’indemnité parlementaire avec les traitements en France montre qu’elle est 2,5 fois supérieure au salaire moyen des Français et correspond à la rémunération moyenne d’un cadre supérieur. Mais elle est 3 à 4 fois inférieure aux rémunérations les plus élevées du secteur public ou privé (hors rémunérations déraisonnables et scandaleuses des patrons du CAC 40, des artistes et sportifs de haut niveau).
Un ancien député touche en moyenne 2 700 € net de retraite par mois alors que la durée moyenne de vie parlementaire est de 7 ans. Votre réaction ? Que dites-vous aux députés qui rechignent à réformer leur statut ?
Comparer la retraite de base professionnelle avec la pension-vieillesse des députés n’a pas de sens car la fonction parlementaire ne constitue pas un métier, mais une rupture avec une activité professionnelle qu’exerce, par ailleurs tout parlementaire.
En second lieu, il n’existe pas de caisse de retraite particulière, puisque cette pension-vieillesse est une partie du budget global de l’Assemblée, dont les modalités sont la compétence exclusive du bureau de l’Assemblée en vertu de la séparation des pouvoirs. C’est donc un élément du statut des parlementaires qui mérite d’être discuté à ce titre, et non du point de vue des retraites.
La confusion, il est vrai, provient des modalités de calcul qui sont copiées (avec des ajustements) sur le régime général. En réalité, ce qui importe, c’est de rapporter le montant de cette pension à la rémunération d’activité, c’est-à-dire d’évoquer « le taux de remplacement ».
Sous cet aspect la situation des nouveaux parlementaires (élus pour la 1ère fois en 2012) est très différente du système ancien. D’une part, il n’est plus possible de cotiser à un régime de retraite professionnelle (public ou privé) pendant le mandat parlementaire (sauf si l’on conserve une activité professionnelle). D’autre part le montant de la pension vieillesse des députés a été diminué : à l’issue d’un mandat de 5 ans, elle s’élèvera désormais (à partir de 62 ans) à 758 euros mensuels (soit une diminution de 55 % par rapport au système antérieur). Si le parlementaire cotise, à un système complémentaire facultatif, cette somme passera à 1129 euros, soit une diminution de 32% par rapport au système antérieur.
Toutes ces évolutions montrent que le statut des députés s’est profondément transformé, mais peu le savent, soit par méconnaissance ou malveillance, soit parce que l’Assemblée communique mal sur ce sujet.
L’interdiction de cumuler un mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale n’interviendra qu’en 2017. Quels en seront les effets sur la dépense publique ?
Les conséquences financières sont difficiles à chiffrer. D’un côté, on peut penser que les indemnités locales augmenteront un peu. Mais dans quelle proportion ? Au demeurant, leur montant global se situe à 1 % des budgets locaux. Mais de l’autre, la présence d’élus locaux plus disponibles entraînera des économies de gestion importantes, là encore difficiles à chiffrer, mais à coup sûr supérieures à la hausse des indemnités. En outre je pense que cette réforme aboutira à une diminution sensible du nombre de députés, compte tenu de la disponibilité plus importante de ces derniers. Cette question surgira de manière forte dans la prochaine législature (2017-2022) et pourrait se réaliser à ce moment.
Une diminution du nombre de députés et de sénateurs est souhaitable
La réduction du nombre de députés est-elle souhaitable ? A-t-elle une chance d’aboutir ?
Cette diminution, souhaitable, du nombre de députés devrait s’accompagner d’une augmentation des moyens matériels (nombre de collaborateurs, crédits de fonctionnement) à la disposition des députés. Et, pour des raisons d’équilibre constitutionnel, elle devrait entraîner ipso facto une diminution équivalente du nombre de sénateurs. Le maintien du Sénat est souhaitable, car sa présence évite la législation à chaud. Mais son droit de veto constitutionnel devrait disparaître et son mode d’élection modifié.
Convient-il de revoir le mode de financement public des partis politiques?
En matière de financement public de la vie politique, les adaptations nécessaires se découvrent à l’expérience avec les observations toujours pertinentes de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) dont il faut saluer l’indépendance et la rigueur manifestées à l’occasion du contrôle des comptes de la dernière élection présidentielle.
C’est ainsi que la loi sur la transparence politique met un terme à plusieurs dérives constatées en particulier dans le financement des micro-partis. De même les dons des particuliers (bénéficiant d’une réduction d’impôt) seront désormais plafonnés à 7 500 € par an (et non plus par parti). D’une manière générale, ce financement public, avec ses contraintes (plafonnement des dépenses, contrôle par la CNCCFP) a considérablement assaini le financement de la vie politique par rapport, par exemple, aux pratiques des années 70-80 où les entreprises étaient rackettées. Il a aussi permis à des candidats sans fortune ni appui d’un parti politique de mener une campagne électorale à moindre coût (à condition de dépasser 5% des suffrages exprimés il est vrai). Sous cet aspect, la France est en tête des pays démocratiques et peut servir de modèle et d’exemple.
848 personnes à l’Elysée
Comment sont utilisés et contrôlés les 90 millions € de la réserve parlementaire de l’Assemblée ? Faut-il la supprimer ?
Avec la majorité de gauche, la transparence s’est considérablement accrue sur l’utilisation de la « réserve parlementaire », le ministère de l’Intérieur n’hésitant plus à communiquer. Le texte sur la transparence de la vie publique prévoit la parution en annexe de la loi de règlement d’un document exhaustif précisant l’utilisation de la réserve parlementaire. Ceci dit, il n’en reste pas moins que cette distribution d’argent public est trop discrétionnaire pour se maintenir en l’état. Après réflexion, je pense qu’il convient de la supprimer. Une partie de cette somme pourrait être attribuée par l’Assemblée pour donner un coup de pouce à des grands projets de recherche notamment médicale, qui ont du mal à être financés.
Le budget de fonctionnement de l’Elysée était de 103 M€ en 2012. N’est-ce pas excessif ?
Avec l’arrivée de François Hollande, le budget de l’Élysée a connu une baisse sensible de l’ordre de 10 % par rapport à la précédente présidence. Simultanément les rémunérations des collaborateurs ont été plafonnées (-20 % en moyenne annuelle pour l’ensemble du gouvernement) et les déplacements présidentiels et ministériels allégés. Par exemple, un déplacement intérieur du Président coûte cinq fois moins cher qu’un déplacement intérieur de son prédécesseur. Sans compter les forces de police assurant la sécurité, dont le nombre est revenu à un niveau très inférieur et comparable à celui en vigueur sous les anciens présidents (avant M. Sarkozy).
D’autres économies sont encore possibles, notamment en matière d’effectifs. 848 personnes c’est moins que les 1051 personnes du temps du président Sarkozy mais c’est encore trop, tant par rapport au passé, que par rapport aux exécutifs étrangers. Les autres économies, sur les déplacements extérieurs et l’alimentation font l’objet de mesures adaptées. Je me réjouis – et les Français avec moi – d’avoir été écouté sur cette question du train de vie de l’Etat.
Enfin, comment peut-on être sûr que la loi sur la transparence de la vie publique évitera une nouvelle affaire Cahuzac ?
L’imagination de ceux qui veulent contourner une loi est sans limite, ce qui ne permet pas d’affirmer que toute fraude sera impossible. Ceci dit, les pouvoirs de contrôle renforcés de la Haute Autorité et l’alerte citoyenne devraient rendre beaucoup plus difficiles les fausses déclarations de patrimoine.
Un problème toutefois : le recours aux services fiscaux locaux, très dépendants des pouvoirs politiques en place, dans les collectivités d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie et Polynésie) ne permet pas de dire qu’il n’y aura plus de « Flosse-déclaration » comme celle qu’avait relevée en son temps la commission pour la transparence financière.
Propos recueillis par Pierre Bergerault
«Profession politicien», Les Enquêtes du contribuable octobre/ novembre 2013 – 68 pages, 3 € 50. Suivre le lien pour commander en ligne ce numéro. Et sur abonnement : www.contribuables.org/boutique