C'est une claque, une de plus, la première des claques électorales de ce quinquennat. L'UMP prend le rôle de l'opposant qui remporte ce scrutin intermédiaire. Mais le pire était ailleurs. En quelques heures, le FN est parvenu à nationaliser un scrutin local dans tous les commentaires de la soirée.
1. Hollande peut faire grise mine. Il a perdu ce scrutin... comme tous les présidents de la République avant lui. Le rapport de forces s'est inversé, et largement. Les candidats socialistes et affiliés ont péniblement rassemblé 38% des suffrages, 43% si l'on ajoute le Front de gauche. Les optimistes noteront que le score est largement supérieur aux multiples scores de popularité de l'actuel locataire élyséen.
2. L'analyse globale serait impossible. Le scrutin est local, bien sûr. Une multitude de facteurs perturbe les conclusions nationales. Le Front de gauche ne ressemble pas à grand chose puisque les communistes ont parfois fait liste commune avec le PS.
Tout au plus faut-il reconnaître que le PS, partout, s'est pris une raclée.
A Paris, les écologistes améliorent leur score (décevant) de 2008. Mais Anne Hidalgo est au coude à coude avec Nathalie Kosciusko-Morizet. A Marseille, c'est la Bérézina: les listes socialistes conduites par Patrick Mennucci sont en troisième place, derrière celle de Jean-Claude Gaudin (40%) et du FN (22%).
3. L'abstention est le premier parti de France, avec 39% des inscrits. Il faudrait ajouter les non-inscrits, aux alentours d'un tiers des citoyens en âge de voter.
4. Pour l'éditocrate, rien n'est impossible. On entend tout et n'importe quoi. Sur toutes les chaînes, toutes les antennes, les commentaires se ressemblent. La soirée s'organise autour du FN et de Marine Le Pen. On oublie les enjeux locaux, la faible implantation du FN (qui présentait moins de 600 listes). Les commentaires appellent des articles, les avis se consolident.
5. La droite a pu souffrir du dérapage de Sarkozy, quarante-huit heures avant le scrutin. Vers 20h15, Jean-François Copé veut transformer l'essai avec les voix du Front national. Il appelle les électeurs frontistes du premier tour à se reporter sur le candidat UMP au second tour. Et il refuse tout appel anti-FN pour le second tour: "Je dis aux Français qui expriment leur colère et leur inquiétude en votant FN à reporter leurs votes sur l'UMP. Une ville gérée par le FN et une ville gérée par l'UMP, c'est très différent. S'ils revotent pour le FN, ce sera un coup de pouce pour la gauche."
6. Le Front National n'atteint que 7% des suffrages, une moyenne nationale qui ne veut rien dire. Le FN n'a des listes que dans 500 villes. A Forbach, le jeune Philippot arrive premier, avec près de 36% des suffrages. A Orange, l'ex-frontiste Jacques Bompard est réélu dès le premier tour. A Avignon, Béziers, Carpentras, Perpignan, ou Digne-les-Bains, le FN est en tête et souvent toutes ses chances pour remporter la mairie au prochain tour puisque l'UMP a pour consigne de se maintenir.
A Hénin-Beaumont, Steeve Briois est élu dès le premier tour. A Bézies, Robert Ménard, soutenu par le FN, rassemble 44% des suffrages. Le FN faisait 10% en 2008.
Le Front National n'atteint que 7% des suffrages mais cela suffit à nationaliser le scrutin. La liste des villes où le FN arrive en tête est impressionnant. L'absence de solidarité républicaine de l'UMP lui donne un autre élan. Marine Le Pen se réjouit: "C'est la fin de la bipolarisation de la politique française."
"Certains électeurs ont exprimé leur déception, voire leurs doutes" conclu Jean-Marc Ayrault peu après 21 heures. La voix est monocorde et sans énergie. Le premier ministre décourage les derniers téléspectateurs.
Il sonnait la fin du spectacle.