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Le long run de Brubaker est achevé, l'heure est venue pour le Vengeur étoilé de tourner la page. Exit les trames qui infusent dans l'espionnage, les relents de guerre froide et de conspiration, et place à une toute nouvelle ambiance, qui va créer le décalage très vite. Avec Rick Remender, Steve Rogers a une vie bien remplie, et il ne chôme pas. Après un petit flash-back intéressant centré sur les premières années de notre héros (les années 20, quoi, car il est censé fêter ses 90 ans) et la vie de famille pas toujours facile alors, nous le retrouvons en pleine acrobatie sur la carlingue d'un avion en perdition, face au Green Skull et ses hommes. Ce sont des terroristes écologistes qui ont la bonne idée, pour sauver la nature et l'environnement, de tenter d'éradiquer l'humanité, en commençant par Big Apple. Logique, non? Le repos du guerrier est surprenant, puisque Sharon Carter, sa fiancée du moment, lui propose carrément ... le mariage! On pourrait dès lors s'attendre à ce que Remender sorte les confettis, les dragées, et que le lecteur soit invité à la parade nuptiale (et la nuit de noce, hé, on peut la voir?). Mais c'est reparti, plutôt deux fois qu'une! Un traquenard dans une ligne abandonnée du métro, et voilà Captain America projeté dans une dimension étrange et à la saveur apocalyptique : la dimension Z, pour Zola (Arnim), le savant fou. Au programme la-bas, combats, torture et un héritier.
Après FrankenCastle, Remender ose à nouveau l'impensable : projeter Steve Rogers dans une réalité artificielle, et ceci durant des années. Le temps ne s'écoule pas de la même manière chez nous et la-bas, et dans cet univers qui emprunte tout aussi bien à Dune, Mad Max, ou Planet Hulk, le Vengeur étoilé va être soumis à une suite d'épreuves inattendues et qui vont le pousser dans ses derniers retranchements. Le dessin est confié à John Romita Jr. Du coup, j'entends déjà les hourras extasiés et les cris d'horreur des détracteurs. Disons que ce coup-ci c'est du Romita plus appliqué et moins expéditif. Il fait de son mieux, c'est évident, et les amoureux de son style vont donc admirer du JrJr en forme. Il faut dire que ses crayons trouvent une résonance assez juste avec le cadre hors norme dans lequel Steve Rogers est plongé, et dans lequel il doit lutter pour sa vie, mais aussi celle de l'enfant qu'il prend sous sa coupe. Le fils de Zola devient l'héritier de notre Avenger, qui va se découvrir une fibre paternelle inébranlable, et lutter contre l'adversité, les éléments, et son propre corps (infecté par Zola) pour sauver ce qui peut l'être. Du Captain America très insolite, piégé dans un univers inédit et si différent de ce que nous connaissions jusque là. Une aventure hors norme qui pourra décontenancer les amoureux des récits dans la veine du Winter Soldier, mais qui a la qualité de bousculer l'ordre établi ces dernières années, et de puiser dans les fondamentaux même du personnage, puisqu'à son retour, Steve aura à nouveau passé des années (pour lui, pas pour nous, à cause du paradoxe temporel) isolé et "ailleurs" (la première fois c'était en animation suspendue, encore pire), l'obligeant une seconde fois à se réadapter à un présent qui n'est plus tout à fait le sien. Une série qui mérite bien le détour.