J’aime bien, dans chaque livre que j’entreprends, envisager l’histoire sous un jour nouveau. En partant d’une arme spécifique (l’arc) comme centre de gravité, comme dans Colère Noire, avec une verticalité historique dans « De sinistre mémoire », une délocalisation ethnique à l’étranger avec Quatre racines blanches, ou encore un glissement du personnage principal entre deux époques distantes d’une trentaine d’années, comme dans Principes mortels.
Après la parenthèse de ce dernier roman — qui sera suivie d’une autre d’ici quelque temps —, je retrouve mon équipe fétiche emmenée par Daniel et Lisa pour leur quatrième enquête dans cet Enfant aux yeux d’émeraude.
Le titre, au départ refusé par mon éditeur, a finalement convaincu. J’en suis bien soulagé, car il a un sens très fort lié à l’histoire, et je ne voyais franchement rien d’autre à proposer. Pour le lecteur, il faudra attendre un certain nombre de chapitres pour le comprendre. En cela, je rejoins celui de Quatre racines blanches, plutôt opaque tant qu’on n’a pas lu le bouquin…
Cette histoire m’a été inspirée par un fait divers qui a défrayé la chronique en France il y a quelque temps. Je ne citerai pas de noms, bien sûr, mais il s’agit de la triste destinée d’une famille entière décimée et enterrée, ainsi que de celle d’un homme qui a disparu dans la nature… et que personne n’a jamais revu.
Titillé par ce mystère, j’ai cherché à en savoir plus et j’ai commencé un certain nombre de recherches dans cette direction au début 2011.
Au printemps de cette année-là, j’étais à Antraigues, en Ardèche, en train de partager un excellent repas avec de vieux amis, lorsque le roman m’est tombé d’un seul coup sur la cafetière, me coupant la parole et l’appétit en même temps. Je suis sorti comme un fou du restaurant et j’ai tourné autour de la fontaine du village jusqu’à ce que j’aie terminé de raconter cette intrigue chue du ciel au mémo vocal de mon téléphone.
A priori, tout se tenait. Les images défilaient dans une sarabande infernale parfaitement huilée dans mon cerveau incrédule. Je n’avais encore jamais expérimenté cette certitude que tout, dès le départ, est calé comme dans une partition musicale. J’avais beau retourner la succession des événements dans tous les sens, rien ne semblait prendre l’eau.
Il m’aura quand même fallu environ dix-huit mois pour écrire ce roman, soit une demi-année de plus que le temps consacré à Colère Noire. Les recherches, toujours plus poussées, toujours plus nombreuses, sont véritablement chronophages, mais de plus en plus nécessaires quand on aborde un sujet que l’on ne connaît pas.
Lors de l’écriture de ce polar, une chose s’est rapidement imposée à moi. L’intrigue était née à Antraigues, elle devait s’y résoudre. D’où l’axe géographique que prend rapidement la cavale de David Courty, mon personnage principal.
David qui pète les plombs, dépassé par la fureur qui a explosé dans son propre foyer, abandonnant le cadavre de sa femme derrière lui, au beau milieu de son appartement, pour s’enfuir vers l’inconnu. Ce qui tracasse les flics, c’est que le corps de sa fille — dont on a retrouvé le groupe sanguin suffisamment répandu dans le logement pour justifier une très forte inquiétude à son endroit – est introuvable.
C’est lorsque la police creuse le passé de Courty et qu’elle découvre qu’il n’y a aucune trace de son existence avant l’âge de six ans que je m’éloigne résolument du fait divers initial qui a engendré cette intrigue.
Dans sa fuite, Courty sème la mort comme la peste sur son chemin. Il devient l’Ennemi public numéro 1. L’homme à abattre. Mais pendant ce temps-là, l’enquête sur son passé avance petit à petit, à la fois du point de vue de la police et de celui du principal intéressé. Là, le présent est narré au passé, et réciproquement. L’idée était de suivre la progression de la folie dans le cerveau malade de David aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Seul le lecteur a toutes les cartes en main à la fois, et toujours un temps d’avance sur les enquêteurs. Sauf qu’il ne peut pas leur souffler ce qu’il sait, ou ce qu’il a senti…
Dans ce livre, je me suis amusé à donner à mes personnages les prénoms de beaucoup de mes camarades auteurs ou lecteurs avec lesquels je partage salons et rigolade. Vous y trouverez notamment, outre David, une Claire, une Angela, une Leblond, une Gaëlle, une Sandra et une Caroline, mais également un J.Étienne, un Jean, un Delage, un Stéphane, un Fabrice, un François, un Guillaume, un Fabien, un Fossey, un Ludo ou encore un Dominique.
Avec un accessit tout particulier au commandant Henri Courtade, qui fait écho au commandant Jacques Saussey auquel ledit Henri Courtade — le saligaud — a donné vie dans son excellent thriller « A la vie, à la mort ».
Normalement, si j’ai bien compté, je devrais donc vendre au moins 19 exemplaires de ce bouquin le jour de sa sortie !
Écrit entre 2011 et 2012, L’enfant aux yeux d’émeraude a déjà deux petits frères, La Pieuvre et Sens interdit, tous les deux écrits entre janvier 2013 et janvier 2014. Sens interdit devrait voir le jour fin 2014 ou début 2015, si le monde de l’édition lui ouvre les portes comme prévu !