Mixology est une nouvelle comédie diffusée depuis la fin février sur les ondes d’ABC aux États-Unis et CTV au Canada. Le concept est fort simple : dix célibataires passent une soirée dans un bar de New York à la recherche de l’amour et chaque épisode s’attarde sur une rencontre entre deux d’entre eux. De son côté, Spun out est une sitcom canadienne diffusée depuis le début mars aussi sur CTV. L’action se déroule dans une firme de relations publiques avec l’arrivée d’un nouvel employé, Beckett Ryan (Paul Campbell), qui de manière peu orthodoxe parvient à charmer des clients avec des idées farfelues. De styles aux antipodes, on doute que ces comédies fassent long feu pour différentes raisons. La première est vulgaire et superficielle alors que la seconde est remplie de gags recyclés avec des rires en boîtes exagérés.
Langage subversif
À chaque générique dans Mixology, on entend : « This is the story of 10 strangers, one night and all the ridiculous things we do to find love. » Chaque épisode de 30 minutes (il y en a 7 de prévus pour le moment) est basé sur le concept de 24, c’est-à-dire que toute l’action de la première saison se déroule en temps réel au cours d’une seule soirée. Au début de chacun d’eux apparaît en surtitre : « Ron & Liv » ou « Tom & Maya » faisant référence aux protagonistes que l’on verra flirter. Mais voilà que le concept même de la série est défaillant. Lors du pilote, Tom (Blake Lee) offre un verre à Maya (Ginger Gonzaga), ils font connaissance et s’échangent leur numéro de téléphone. À la fin, Tom retrouve ses amis et au cours des prochains opus pendant que d’autres font connaissance, ceux-ci ne se parlent plus; ce qui ne fait aucun sens. Mixology aurait dû s’inspirer de Dates diffusée à l’été 2013 sur Channel 4. À chaque épisode, l’attention n’était portée que sur deux personnages que l’on apprenait à connaître et surtout à apprécier. Dans Mixology, on introduit chacun d’eux en nous montrant leur évolution, de la naissance jusqu’à l’âge adulte, mais ces séquences sont brossées à grands traits et évidemment exagérées (quand l’un naît, le père régurgite et s’enfuit pour ne plus jamais revenir, une autre dont la mère accouche sur un terrain de football sera très bonne en sports, etc.).
Avant leur diffusion, certaines séries sont accompagnées d’un avertissement concernant des scènes de violence ou de sexualité explicite. Dans Mixology, ce qui choque c’est le langage très cru. Il faut mentionner que les créateurs, Jon Lucas et Scott Moore, sont aussi à l’origine de la trilogie The hangover alors il fallait s’attendre à tout. Presque tous les personnages masculins sont misogynes dans leurs propos : «Waitresses are just strippers with food», « The higher the heels, the looser she feels », «Look at that chick over there throwing up. I’m gonna bang her out!» alors que les femmes ont un sérieux problème d’estime de soi « he’s so hot I would let him degrade me », « If I talked like that to Don Draper, he would smack me in the mouth. That is a man ». Et dire que ces gens sont à la recherche de l’amour…
Du déjà vu et moins drôle
À la base, Spun out est une pâle copie de The crazy ones puisque les protagonistes évoluent dans une firme de relations publiques et chaque semaine ils doivent trouver des idées géniales pour persuader les clients de signer avec eux. La différence avec l’émission de CBS est qu’il s’agit d’une sitcom et que chaque réplique doit provoquer un rire instantané venant de l’auditoire. Comme l’écrit Brad Oswald dans son article : « There’s a simple formula to use when assessing a TV comedy: the louder the laugh track, the less funny the show » et c’est justement ce qui se produit ici. Pour nous amuser, les scénaristes ont opté pour des personnages plus grands que nature qui auraient davantage leur place dans une garderie vu leur immaturité et le peu de travail qu’ils accomplissent dans une journée. Nelson (Al Mukadam) passe son temps à prendre des photos de sa collègue Stéphanie (Rebecca Dalton) lorsqu’elle n’est pas à son meilleur jour alors que celle-ci n’a un poste au sein de l’entreprise parce que c’est son père, Dave (Dave Foley), qui la dirige. D’ailleurs, il passe tout le quatrième épisode à lui enseigner comment échanger des banalités efficacement (small talk). Sinon il y a l’assistant de Dave, Bryce (J.P. Manoux) qui est davantage intéressé par des jeux vidéo et un autre employé, Gordon (Darcy Michael), qui passe son temps à créer de nouveaux jingles et qui aimerait bien passer ses journées en sous-vêtements. Évidemment, on exploite les différends entre les employés pour nous faire rire et chacune de leurs idées, aussi stupides soient-elles, plaisent aux clients. Tout ça a déjà été fait et mieux. Les blagues sont prévisibles, les personnages n’ont à peu près pas de profondeur et ce n’est pas l’embauche du très populaire acteur Dave Foley (on misait beaucoup sur sa participation pour attirer l’auditoire) qui vient y changer quelque chose.
Tout ce qui a trait à la télévision au Canada est géré par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui exige qu’environ 70 % du contenu sur une chaîne généraliste soit canadien. Or, l’an dernier, CTV avait fait une demande au conseil afin d’abaisser ce taux à 55 %, ce qui avait provoqué l’ire d’autres stations comme Quebecor. Il est déjà déplorable que les généralistes anglophones (à l’exception de CBC) ne diffusent que du contenu américain à heures de grande écoute et en accédant à cette demande, la situation ne pourrait qu’empirer. Sachant cela, on a l’impression que Spun out n’a été créée que pour se conformer aux règles existantes. De plus, la chaîne diffuse les épisodes le jeudi soir ET le vendredi; une soirée où aux États-Unis on déplace les séries ayant le moins bien performé en attendant de les supprimer de la case horaire. Si CTV ne croit pas à ses propres productions, pourquoi l’auditoire devrait-il s’en soucier?
À son lancement, Mixology n’a récolté que 5 millions de téléspectateurs. Le chiffre ne cesse de baisser chaque semaine et on doute que la série se rende jusqu’à la fin de la saison. De son côté, Spun out qui n’est guère plus divertissante se rendra jusqu’à terme, mais de manière expéditive avec deux diffusions par semaine et seulement à cause des exigences CRTC. Langage vulgaire ou gags déjà entendus ailleurs, pour nous faire rire, on a déjà fait mieux et souhaitons un meilleur contenu pour CTV au printemps.