Municipales : quelques clés pour comprendre l’élection d’aujourdhui

Publié le 23 mars 2014 par Delits

En ce jour d’élections, Délits d’Opinion revient sur les enjeux majeurs et quelques villes cibles de cette élection.

Pendant de nombreux mois, la plupart des « chroniqueurs » et médias plus ou moins objectifs ont décrété que ces municipales se transformeraient en déroute pour la gauche. Force est de constater aujourd’hui qu’une majorité a compris son erreur. L’effet cumulé de la prégnance de considérations locales aux dépends du contexte national, de l’incapacité de l’opposition à se rendre crédible aux yeux de l’opinion et le maintien des listes FN au second tour, ne provoqueront pas de vague UMP.

A la fin du premier tour, les candidats socialistes devraient certes perdre un nombre conséquent de voix par rapport à leur score de 2008 mais les mécanismes de vote ne devraient finalement entraîner que peu de pertes de villes majeures et à peu près aucune parmi les plus grandes villes.

Parmi les 10 principales villes françaises, aucune détenue actuellement par une majorité de gauche ne passera probablement à droite. Paris, Lyon, Lille, Nantes, Montpellier et Toulouse resteront très certainement à gauche. Seule Strasbourg maintient un suspense fort. En cas de duel UMP-PS au second tour, le maire sortant, Roland RIES est annoncé au même niveau que sa rivale et ancienne maire Fabienne KELLER (50%-50%). En cas de triangulaire, le maire sortant serait réélu sans difficulté majeure.

A l’inverse, la droite pourrait perdre la deuxième ville de France : Marseille. Une défaite qui aurait alors un écho national formidable pour un Gouvernement en difficulté et qui pourrait médiatiquement balayer la perte de villes moyennes (50 à 100.000 habitants).

Marseille : la ville qui peut tout faire changer

2ème ville de France, Marseille est l’une des seules parmi les 10 plus grandes à pouvoir basculer. Or l’incertitude est très forte autour des résultats de cette élection.

Rappelons que Marseille, à l’instar de Paris et Lyon, bénéficie d’un code électoral spécifique qui voit les habitants voter pour des conseilleurs de secteur, qui eux-mêmes éliront le Maire de la ville. Répartie en huit secteurs, la cité phocéenne est marquée par un fort clivage géographique qui renvoie à un clivage sociologique et ethnique : les quartiers les plus aisés du sud (4ème et 5ème) et principalement peuplés de « Français de souches », devraient rester à droite quand les quartiers nord (1er, 7ème et 8ème secteurs), plus pauvres et avec une plus forte proportion d’immigrés ou descendants d’immigrés, devraient rester à gauche.

Tout l’enjeu devrait résider dans les autres secteurs (2ème, 3ème et 6ème) qui, possèdent, chacun, un contexte particulier fort et ses incertitudes tout aussi déterminantes.

LA FIGURE de ces élections : Marie-Arlette CARLOTTI

Le 3ème secteur, probablement le plus emblématique, voit s’affronter Marie-Arlette CARLOTTI, Ministre déléguée à la lutte contre l’exclusion et perdante des primaires socialistes et le Maire sortant UMP, Bruno GILLES. Une dernière enquête Ifop-Itélé mettait la Ministre légèrement en tête au second tour (43% – 42%) mais la marge d’erreur, inhérente à ce type de méthode statistique, interdisait tout pronostic. Pourtant, dans ce secteur, le maintien de la liste FN de Jean-Pierre BAUMANN pourrait être fatal et changer la face des enseignements de ces municipales à l’échelle nationale.

Parmi les villes moyennes qui pourraient basculer à droite, Angers pourrait représenter un symbole fort.

Angers est, depuis des décennies, considérée, parfois sous forme de boutade, comme représentative de l’ensemble du rapport de force politique national. François Mitterrand disait déjà : « Le jour où Angers basculera à gauche, je serai élu Président de la République ». L’Histoire lui donna raison : Angers bascula en 1977, on connaît la suite… Bruno Le Maire avait d’ailleurs repris récemment cette référence en appuyant toute la stratégie de l’UMP sur ce type de villes de moyenne taille.

Angers : un test national grandeur nature qui pourrait basculer à droite

Après avoir dirigé la ville pendant quatorze ans, le maire (PS), Jean-Claude ANTONINI, a subitement démissionné en 2012. Frédéric BEATSE qui a pris la suite et se présente à sa propre succession cette année. Soutenu par Europe Ecologie – les Verts et du Parti communiste, il doit néanmoins faire face à la liste dissidente d’un ancien adjoint Jean-Luc ROTUREAU, depuis exclu du PS. La ville pourrait basculer à droite au profit de l’UMP Christophe BECHU (battu en 2008 avec 49,39 % des suffrages) et qui a su obtenir le soutien du MoDem et d’une partie de l’UDI. L’autre partie de l’UDI soutient son candidat officiel Laurent GERAULT (UDI). A Angers, l’UMP parie sur les divisions de la gauche

Une récente étude « TNS Sofres-Sopra Group » réalisée en février dernier met les deux listes UMP-MoDem et PS-PC-EELV, dans l’hypothèse d’un duel, au coude à coude (50% – 50%). Pour rappel, en 2008, dans la même configuration, Christophe BECHU avait obtenu au second tour 49,4% des suffrages exprimés et avait perdu l’élection d’à peine 600 voix.

Les personnes âgées et une triangulaire : clé du scrutin à Angers ?

Le Maire actuel souffre d’un relatif manque de popularité au sein des angevins qui lui préfère Christophe BECHU : la premier suscite ainsi 37% d’opinion défavorables contre seulement 47% d’opinion favorable quand le candidat de droite, parvient à limiter la part de ses détracteurs à un petit tiers (31%) et fait monter ses soutiens à 55% des opinions exprimées. Cet écart est particulièrement marqué auprès des 65 ans et plus qui soutiennent massivement le candidat de droite (66% déclarent en avoir une bonne opinion) et tendent à rejeter le maire sortant (une courte majorité relative de 47% en ont une mauvaise opinion). Quand on sait que cet électorat est traditionnellement l’un des plus mobilisés les jours d’élections, le sort de la ville pourrait basculer ici.

L’autre élément clé de l’élection réside dans le maintien de la liste Divers gauche de Jean-Luc ROTUREAU. Une telle triangulaire serait très probablement fatale à la majorité actuelle : elle serait dans ce cas assez nettement battue (37% contre 44% à la liste de droite.

En l’absence de triangulaire, hypothèse la plus probable puisque M. ROTUREAU a déclaré que s’il arrivait 3ème au premier tout, il se retirerait, le report de ses voix pourrait s’avérer décisive puisque selon l’étude citée, le maire sortant ne parvient pas à faire le plein ; un quart de l’électorat éventuel de la liste Divers gauche au premier tour se déclarant prêt à s’orienter vers la liste de droite.

Béziers : la grosse prise du FN ?

Si Hénin-Beaumont ou Fréjus sont régulièrement mis en avant, Béziers pourrait pourtant représenter le gros coup du FN lors ces municipales.

Le Maire actuel de la ville, Raymond COUDERC critiqué de toute part pour son bilan et notamment son inaction face à la paupérisation du centre-ville, laisse la tête de liste UMP à son premier adjoint et député Droite populaire, Elie ABOUD. Le FN a décidé Robert MENARD, fondateur de Reporters sans frontières, comme tête de liste sur un territoire où Marine Le Pen est arrivée en deuxième position lors de la présidentielle de 2012 avec plus de 25 % des voix. Ce choix, à l’époque contesté et qui avait fait sourire, s’impose pourtant comme une décision efficace : aujourd’hui Robert MENARD est en passe de réussir son pari et a su entraîner une dynamique positive autour de sa campagne.

Précisons que l’ancien trotskiste n’est pas le candidat FN, il déclare d’ailleurs ne pas voter pour ce parti. Il est en revanche soutenu par ce mouvement, ainsi que par Debout la République, le MPF et le RPF.

Une récente étude Ifop pour Europe 1 et Midi Libre place le candidat FN en tête au premier tour et met en avant une progression constante.

Surfant notamment sur une vague anti-système et dénonçant le déclassement de Béziers, l’ancien journaliste rafle notamment une majorité des commerçants ou artisans et cadres supérieurs.

Le second tour s’annonce particulièrement serré, mais montre néanmoins la forte implantation de proches de Marine Le Pen dans le Languedoc-Roussillon (Après Gilbert COLLARD dans le Gard et Louis ALLIOT à Perpignan).

 

 Parmi les autres villes dont les résultats pourraient avoir un écho important, citons également :

- CAEN, ville restée à droite pendant un siècle et passée à gauche en 2008, qui pourrait rebasculer à droite suite à des divisions de la gauche

- LE HAVRE, ville actuellement à droite et qui pourrait basculer à gauche

- PAU, qui pourrait voir le retour en force de François BAYROU…