Vous cherchez un colibri empaillé ? Un carré Hermès des années 70 ? Un tableau avec le Cervin à l’arrière-plan ? Ou un petit quelque chose en marqueterie Boulle ?
C’est parti pour une virée à Drouot, l’hôtel des ventes aux enchères parisien, où l’on retrouve nos marchands des Puces mêlés à des particuliers curieux ou avertis, tous saisis par le feu des enchères. A l’image des Puces, on trouve à Drouot de petits trésors amoncelés, à dénicher, à remporter et à emporter. On y trouve de tout, des chefs-d’œuvre comme des drouilles, du très cher comme de l’abordable. Mais surtout, et cette fois à la différence des Puces, à Drouot il y a les enchères. Celles qui vous font palpiter le cœur, trembler le bras et sauter de joie. Ici, la technique de vente joue plus qu’on ne le croit sur notre envie d’acheter… Car Drouot c’est non seulement le fief des maisons de ventes parisiennes mais aussi un théâtre dans lequel les pièces se jouent en direct et pour de vrai. Attention, pour parcourir ses 16 salles (16 ambiances !), le « look antiquaire » est de rigueur (= être un peu dans la lune mais très au fait du marché + pantalon en toile de couleur + veste en tweed, le tout un peu passé car le marchand arpente les lieux depuis un certain temps déjà…).Si seules des chemisettes subsistent au fond de votre placard, vous serez tout de même le bienvenu et pour y avoir l’air fin connaisseur, voici quelques combines.
Depuis 1852, l’Hôtel Drouot est le fer de lance du marché de l’art parisien et chapeaute tout un quartier où sont installés experts et marchands. Les différentes maisons s’y établissent pour deux jours car les ventes sont précédées d’une journée d’exposition (et d’une heure le matin même), où il est vivement conseillé de respecter le sens de visite en salle si l’on ne veut pas être pris pour une brebis égarée. C’étaient les fameux « cols rouges »qui géraient le lieu jusqu’à ce que leur monopole s’écroule il y a peu. Costauds et savoyards, ils étaient chargés de la manutention et du transport des objets. Il fallait être coopté et faire ses preuves pour revêtir la tenue noire avec col Mao rouge et obtenir du même coup le charmant surnom de son parrain (Nounours par exemple). Mais avec la découverte fin 2009 dans leurs entrepôts d’une œuvre volée de Gustave Courbet, le scandale éclate. On retrouve des milliers d’objets dérobés et les « cols rouges » sont immédiatement interdits d’exercer.Coup dur pour Drouot, mais à l’image des ventes qui s’y tiennent, la salle rebondit vite et bien, tout s’enchaine mais rien ne se déchaine !Avec tant d’anecdotes et de traditions, notamment l’obligation annuelle de transformer un espace en débit de boissons pour garder sa Licence IV, Drouot diffère grandement des leaders mondiaux des ventes aux enchères, Christie’s et Sotheby’s. La coutume y est reine et la vente est un spectacle, le commissaire-priseur un acteur.
A ce propos, comment se déroule une vente aux enchères à Drouot ?
- 11h, la salle ouvre ses portes (grosse pression, certains tapent du pied devant la porte depuis déjà 10 minutes).
- 11h10, ça se bouscule dans l’escalator flambant neuf, les gens se dispersent dans les salles où les différentes maisons ont installé des velours à leurs couleurs dans des vitrines pleines de petites merveilles (ou de mochetés).
- 11h25, les maisons qui vendent en début d’après-midi sont prises d’assaut. Les objets passent de mains en mains, les commentaires vont bon train.On jetteun œil aux manettes, cagettes en plastique marron où sont déposés des objets en vrac (bonnes affaires + croûtes en perspective). Lancez-vous ! La fortune sourit aux audacieux.
- 11h48, les crieurs, drôles d’oiseaux made in Drouot, prennent des ordres d’achats dans les couloirs.
- 12h, fermeture des salles qui vendent à 14h, mise à la porte des fouineurs de dernière minute.
- 12h30, déjeuner dans une brasseriedu coinpour certains(un petite bavette-salade à la Cave Drouot par exemple, au n°8 de la rue), arpentage des salles d’exposition pour d’autres.
- 14h, début de vente, mise en place de l’ambiance. Oui, car l’ambiance est primordiale, à vous de choisir le commissaire-priseur qui vous sied car chacun a son style. Attention de ne pas en choisir un trop bon, vous risqueriez d’y perdre vos deniers !
- 15h20, le fameux crieur, qui crie les enchères et prend les paiements, court partout mais ne bouscule rien.
- 16h30, la pièce maitresse de la vente (souvent en milieu d’après-midi) est enfin présentée: les enchères s’emballent, les stagiaires au téléphone sont au comble du stress avec des américains détendus à l’autre bout du fil, le commissaire-priseur, tel l’épervier, regarde de tous les côtés pour ne pas manquer une enchère en salle, par téléphone ou en ligne.
- 17h58, coup de marteau final, les derniers lustres sont vendus. Ouf, tout le monde respire (le show était rythmé) et surtout, on compte ses sous. Oui parce que l’achat est super éclair à Drouot : on lève le bras, le marteau tombe, le crieur fonce sur vous, vous lui donnez de quoi payer, la comptable encaisse et on récupère ses objets auprès du magasinier en salle. Encore une fois, les choses s’enchainent mais rien ne se déchaine dans la mécanique bien huilée de l’Hôtel.
Demain, tout recommencera, pour d’autres maisons, avec d’autres objets et d’autres clients (en fait non, on prend les mêmes et on recommence !).
Du scandale, des traditions, des savants, des trésors, des histoires d’amour, d’argent, d’amitié, Drouot, à l’instar de Game of Thrones, est un condensé d’ingrédients qui créent un petit monde dont on ne veut pas sortir. Donc cette semaine (ou toutes les autres de l’année sauf en août), tous à Drouot ! D’abord vous serez un peu coincés au milieu de la salle, n’osant piper mot de peur d’enchérir par accident, puis ce sera une main timide qui se lèvera, et enfin, après quelques heures de pratique, vous vous lancerez dans une franche enchère et vous aurez au bout du compte un petit trésor dans les bras.
Vos futures petites merveilles se trouvent (à part celles qui sont à Saint-Ouen !) :
Au 9 rue Drouot, métro Richelieu-Drouot (lignes 8 et 9), du lundi au samedi, de 11h à18h.
Pour être sûr de ne pas les rater :
La Gazette Drouot, tous les vendredis, ou le site internet de la salle, www.drouot.com