Un jour de janvier, en partance pour la Norvège (destination avortée), je suis montée sur un coup de tête à bord du vol 737-800 à destination des Canariae Insulae (îles aux chiens), situées à plus de 1 000 km au sud de la péninsule Ibérique et à 150 km du Maroc. Étrange destination…
Cet archipel atlantique comprend sept îles principales et une dizaine d'iles dites "secondaires". Il ne faut pas y aller pour la gastronomie, sans intérêt (aucune spécialité locale hormis les bananes et les amandes de Tejeda). Les valeurs sûres sont les tapas de la mer tels que les chipirones ou les gambas al ajillo (petites crevettes frites avec de l’ail). Le reste est plutôt décevant, tout comme le vin. L'on trouve cependant quelques bons spots pour l'apéro, en bord de mer avec vue sur le soleil couchant. Les logements sont également singuliers : les îles recensent un nombre impressionnant de grands complexes hôteliers comme je n'en avais jamais vu auparavant, à l'architecture, par son extravagance, presque fascinante. Il est donc très difficile de trouver des chambres d'hôtes ou petits hôtels familiaux. Le climat quant à lui est doux et printanier toute l'année, vous aurez un temps estival breton, en somme, température de l'eau incluse.
Mais, et c'est à mon sens le plus important, les paysages sont à couper le souffle, diversifiés, montagneux, arides et escarpés. Il faut aimer crapahuter, la location d'une voiture est indispensable. Disons que les trois quarts de l'île sont inhabités et surtout peu fréquentés - car difficilement accessibles : il faut emprunter des routes sinueuses au travers de montagnes abruptes et l'on peut parfois rouler des heures avant de rejoindre un éventuel village, sans croiser une seule voiture. Quelques criques désertes sont abordables après deux bonnes heures de route de montagne puis sur des chemins de terre, histoire de piquer une tête. Gran Canaria regorge de lacs, gorges, cascades, grottes, ravins, canyons, cultures en terrasses. C'est un pays de roche volcanique (faite de lave et de basalte), de succulentes et de brume.
J'ai arpenté ce gros caillou de long en large et en travers, passant de montagne en montagne pour découvrir des panoramas spectaculaires. L'apogée du séjour s'est trouvée au centre de l'île en son point le plus haut : El Roque Nublo, majestueux roc apparaissant à travers une brume dense balayée furtivement par le vent. Ce monolithe de basalte haut de 80 mètres et culminant à 1 813 mètres d'altitude mérite le détour, perché dans un no man's land escarpé et lunaire, après une bonne heure de marche entre forêts de pins et falaises vertigineuses.
Le séjour a été rythmé, en dehors de la richesse des paysages, par des gammes de couleur marquantes selon les régions, entre teintes carbonisées et touches éclatantes de vert. Les dunes de sable blanc et à la végétation couleur gris cendré, gris souris, gris blanchi. Les montagnes et leurs camaïeux de verts, parsemées de lichen et de cactus. Les forêts sous la brume dense aux arbres et aux vignes noir charbon, la terre volcanique. Les criques de sable noir. Les gorges aux teintes pourpres et camaïeux de violets.
Pour résumer, Gran Canaria, que je surnommerai volontiers "l'île du brouillard", est un gros rocher volcanique sauvage et désert balayé par les vents alizés et exposé à des courants marins froids, mais dès que l'on s'approche du littoral, urbanisé, on se retrouve envahi par le monde touristique dans toute sa splendeur. Une destination atypique pour un moment d'évasion à moindre coût. Je vous conseille Lanzarote, l'île la plus sauvage, ou Tenerife, la plus sportive pour les adeptes du (kite) surf.