Cronopios : Portraits d'écrivains argentins
Daniel Mordzinski (Auteur)- Broché
- Editeur : Editions Métailié (20 mars 2014)
- La marelle littéraire argentine / La rayuela literaria argentina
José Manuel Fajardo
Profils littéraires / Perfiles literarios
Leila Guerriero
Les «Cronopios», soi-disant «verts et humides», sont des personnages tout droit sortis de l'imagination de Julio Cortázar. Ils sont définis comme «des créatures idéalistes, sensibles et ingénues».
En choisissant comme titre de son livre le nom des personnages les plus libres et fantaisistes de Julio Cortázar, Daniel Mordzinski rend hommage au grand auteur, né il y a cent ans, tout autant qu'à la créativité des écrivains de son pays. Le livre regroupe des auteurs phare décédés dont le photographe avait fait le portrait tout au long de ses trente-cinq ans de carrière et les écrivains qui font actuellement la vie littéraire très riche de ce pays. Figurent ici l'essentiel des auteurs invités à l'occasion du Salon du Livre de Paris 2014 et de nombreux écrivains emblématiques des lettres argentines.
Edition bilingue français-espagnol
Le photographe argentin Daniel Mordzinski (Buenos Aires, l960) vit à Paris depuis plus de trente ans. Il a tiré le portrait de presque tous les grands auteurs ibéro-américains contemporains. En 2001, il a été sélectionné par le prestigieux journal Gatopardo comme l'un des meilleurs photographes latino-américains. Il est actuellement correspondant du journal El País.
EExtrait
Mots, lettres, rêvesDaniel Mordzinski
On me demande souvent comment est né ce projet de transformer en images la cartographie littéraire de mes rêves de lecteur, et ce serait trahir la vérité de ne pas reconnaître que ma première photo de Borges a été L'Aleph. Cela s'est passé à Buenos Aires en 1978, ensuite je suis parti à Paris, où je vis depuis 1980. Au cours de ces trente-cinq ans j'ai eu l'occasion de connaître et de faire le portrait de centaines d'auteurs, dont beaucoup sont aussi mes amis. Julio Cortázar a dans ma vie, tout comme dans l'imaginaire universel des lettres, une importance capitale. Sa manière d'être et d'écrire m'a montré un chemin qui unit roman et vie comme une marelle dans laquelle chaque lettre signifie un monde. La seule lettre A, par exemple, représente Aventure, Amitié, Amour, Argentine... et ainsi successivement comme un alphabet de lumière qui m'a permis de prendre très au sérieux le projet de photographier les auteurs et de relativiser mon rôle dans ce grand jeu de mots et de lettres qu'est la vie. Avec le C de Cortázar, pour donner un autre exemple, j'ai appris à décliner des mots comme Contes, Chansons, Coeur, Caléidoscope (ou kaléidoscope).
De la même façon que dans une marelle il y a entre le Ciel et la Terre de nombreuses cases, dans le Ciel des "immortels", s'il est besoin de le rappeler, on trouve Cortázar, Borges, Soriano, Sabato, Saer, Juarroz et tant d'autres qui ne sont plus mais sont toujours irrémédiablement avec nous. A.M. Métailié, que je remercie pour son travail et dont la maison d'édition fête précisément cette année ses trente-cinq ans, me fait le plaisir de publier ce livre. Nous avons pensé ensemble qu'il était important que les lecteurs français aient une meilleure information sur les écrivains invités au Salon du Livre de Paris. J'aurais aimé pouvoir le faire pour les deux cents écrivains que regroupe ce livre, mais cela était matériellement impossible ; pour éviter les légendes de photos descriptives ou pléonastiques, nous avons pensé qu'une journaliste et écrivain au souffle littéraire puissant telle que Leila Guerriero pourrait accompagner mes Photos par des textes de qualité, intelligents et plaisants qui présentent chaque personnage et invitent à le lire.
Qu'un livre d'hommage à Julio Cortázar avec pour argument deux cents écrivains argentins soit préfacé par un texte de José Manuel Fajardo s'explique aisément : né à Grenade, résident à Lisbonne, loin de l'Argentine mais pas de sa littérature, J.M. Fajardo est loin aussi des passions partisanes. Si la qualité immédiatement perceptible de son texte ne suffisait pas, on peut ajouter que J.M. Fajardo est l'un des écrivains espagnols vivants les plus universels et l'un de ceux qui a le mieux intériorisé l'essence commune des deux rives de l'Atlantique unies par une langue et tant de rêves communs.
Si quelqu'un a su transmettre dans ses livres le caractère insaisissable de l'univers et de nos rêves, c'est bien le grand Julio Cortázar, l'auteur de Marelle, mais aussi le grand amateur de jazz, l'ami de ses amis, le critique acerbe de la réalité. Que ce simple kaléidoscope - fenêtre, résumé, présentation, proposition et appel - serve à suggérer l'infini, incommensurable, inaccessible à toute définition de notre géographie littéraire, inséparable de notre manière d'être et de rêver.
Je veux exprimer à chacun des auteurs dont le portrait figure ici ma gratitude et mon affection. Et présenter mes excuses aux nombreux écrivains qui ne sont pas là par manque de place, mais qui sont présents avec la même intensité dans l'atlas des lettres argentines.
Je voudrais ici remercier Karina Wroblewski, directrice de l'Audiovidéothèque de la Ville de Buenos Aires, son projet de restauration de mes archives détruites à Paris m'a permis de récupérer et inclure certaines photos dans ce livre.
Et, comme il ne saurait en être autrement, je voudrais dédier ce livre à Aurora Bernárdez, compagne de toujours de Julio Cortázar, que je remercie pour sa complicité et sa passion des mots et des rêves devenus images.