Ce tome poursuit le long run de Grant Morrison sur Batman au sein de cette collection DC Signatures, destinée à mettre en valeur le travail d’un auteur sur un héros. Si L’Héritage Maudit, le premier des huit tomes prévus, présentait Damian Wayne, le fils de Bruce issu d’une ancienne aventure avec Talia Al Ghul, que Batman R.I.P confrontait Batman à une mystérieuse organisation du Gant Noir, que Nouveaux Masques, sans Bruce Wayne, suivait le duo composé de Dick Grayson et Damian Wayne, que Le Dossier Noir s’intéressait aux aventures paranormales du Dark Knight, que "Le retour de Bruce Wayne" ressuscitait Batman tout en revisitant sa mythologie et que le tome précédent (Batman contre Robin) s’intéressait à l’enquête de Dick Grayson et Damian Wayne à la recherche d’indices sur la disparition de Bruce Wayne, celui-ci s’amuse à recruter des super-héros pour cette fameuse Bat-organisation qui affrontera le crime à l’échelle mondiale : Batman Incorporated !
Si le dernier chapitre du tome précédent servait d’introduction « Batman Inc », les choses sérieuses débutent véritablement dans cet album qui reprend les épisodes #1 à #8 de Batman Incorporated, ainsi que l’épisode Batman Incorporated Leviathan Strikes. Enfin de retour à son époque, Bruce Wayne y recrute massivement pour cette nouvelle franchise qu’il souhaite décliner au niveau mondial… surtout qu’un nouvel ennemi, nommé Léviathan, menace toute la planète. La croisade du Dark Knight contre le crime ne se cantonne donc plus à Gotham City, mais prend dorénavant une dimension planétaire. Du Japon à l’Afrique, en passant par l’Argentine et même la France, Batman parcourt le globe à la recherche de candidats pour sa nouvelle organisation.
Ceux qui avaient déjà la cocotte-minute en ébullition après les six premiers tomes, peuvent se préparer à une belle diarrhée cérébrale car Grant Morrison ne met une nouvelle fois aucun frein à sa créativité débordante. En guise d’entrée, vous pouvez déjà vous offrir une belle brochette de personnages : l’Inconnu, El Gaucho, El Sombrero, Frère Chiroptère, Corbeau Rouge, le docteur Dédale, Kathy Kane l’ancienne Batwoman, Scorpiana l’empoisonneuse, d’anciens super-héros britanniques, Red Robin et les Outsiders, le Parkoureur, Black Bat, Dark Ranger, Wingman, un deuxième professeur Pyg… et j’en passe. Pour ceux qui ont une grande faim, Grant Morrison continue de dépoussiérer l’univers de Batman afin de le resservir avec une sauce plus moderne et s’amuse évidemment à multiplier les références. En guise de dessert, les plus gloutons pourrons même se farcir un combat contre le crime au sein d’un monde numérique avec l’internet 3.0, l’auteur se sentant probablement déjà un peu à l’étroit sur la planète Terre.
Arrivé à la fin, il y aura donc de quoi crier au génie tellement l’approche de Morrison est une nouvelle fois audacieuse et d’une richesse incroyable. D’autres seront probablement plus proche de l’indigestion à force d’ingurgiter des personnages et des rebondissements en tout genre à un rythme effréné. Si je reconnais le brio de cette intrigue qui finit bel et bien par emboîter toutes les pièces du puzzle imaginé par l’auteur, je déplore malheureusement cette narration trop elliptique qui repose sur un fil rouge (la menace nommée Léviathan) beaucoup trop mince par rapport au nombre d’éléments intégrés au scénario. Cela rend l’ensemble beaucoup trop difficile d’accès alors qu’il y avait probablement moyen de faire plus simple, sans perdre au niveau de l’intelligence du récit.
Visuellement, je suis également assez réfractaire aux changements de styles au sein d’une même histoire, même si les différents artistes qui viennent à nouveau défiler au fil des pages livrent dans l’ensemble du très bon boulot. De Yanick Paquette qui s’amuse à dessiner les courbes de Catwoman à la mise en images ultra-informatisée de Scott Clark lors de l’aventure virtuelle dans l’internet 3.0, en passant par Chris Burnham ou un Cameron Stewart qui s’amuse à intégrer des visages connus dans un collège de filles assez particulier, il y en a vraiment pour tous les goûts. Personnellement, c’est le style de Pere Perez qui m’a le moins plu, alors que les couvertures de J.H. Williams III sont une nouvelle fois époustouflantes.
Une intrigue capillo-tractée qui ravira les chauves(-souris), mais qui abandonnera les autres avec un solide mal de crâne !