[notes sur la création] T.S. Eliot

Par Florence Trocmé

« Il n’est pas possible de recevoir [une tradition] en héritage. Quiconque y aspire doit l’élaborer en fournissant un immense effort. Elle exige d’abord d’avoir le sens de l’Histoire, que l’on doit considérer comme presque indispensable pour quiconque voudrait continuer à être poète au-delà de sa vingt-cinquième année. Le sens de l’Histoire exige que l’on sache discerner le passé passé et le passé présent ; le sens de l’Histoire impose au poète, lorsqu’il écrit, d’avoir dans le sang non seulement sa propre génération mais aussi la conscience que l’ensemble de la littérature européenne depuis Homère et, dans le cadre la littérature européenne, toute la littérature de son propre pays existent parallèlement et créent un ordre parallèle. [...] Aucun artiste, dans quelque domaine de l’art que ce soit, ne peut prétendre avoir en lui-même une pleine signification. Sa signification, la considération qu’on lui porte, ne peut s’évaluer que par rapport aux artistes et aux poètes disparus. On ne peut le juger isolément. Il faut le situer, pour le comparer ou l’opposer à eux, parmi les morts. » 
 
T.S. Eliot, « Tradition and the Individual Talent », publié en revue en 1919 puis dans le premier recueil d’essais du poète anglais, The Sacred Wood, en 1920 et cité par Zbigniew Herbert, in Un barbare dans un jardin, Éditions Le Bruit du Temps, 2014, p. 139