Publié une première fois en 1866, ce roman « judiciaire » qui suit « L'affaire Lerouge » a connu de multiples rééditions et un très grand succès. C’est en effet un modèle du genre, et une fois ouvert, on ne peut plus le lâcher.
Un crime abominable a été commis sur la personne de la comtesse de Trémorel, une belle jeune femme retrouvée la face dans la boue dans sa robe de soie grise, au bord de la rivière qui borne le parc du Valfeuillu, sa demeure près de Corbeil, le corps transpercé de plusieurs coups de couteau et la face massacrée à coups de marteau. Le Comte a disparu, on le croit également trucidé et jeté à la rivière alors qu’une forte somme d’argent a disparu et que l’ensemble des domestiques sont absents.
Au matin, les deux braconniers qui ont découvert le corps, l’ancien juge de paix qu’on est allé quérir au village, le maire, le médecin qui pratique les premières constatations sont sur place. Le juge d’instruction a bientôt sa petite idée. Il tient un coupable évident en la personne du jeune jardinier, qui refuse de dire où il était et ce qu’il faisait à l’heure présumée du meurtre.
Arrive Monsieur Lecoq.
Minutieusement, scientifiquement, il relève les indices laissés par le ou les criminels : la maison est totalement bouleversée, les meubles éventrés, les fauteuils dépecés. Visiblement, l’assassin a cherché en vain un objet ou un document … Lecoq reçoit l’appui du Père Plantat, l’ancien juge de paix, qui raconte la vie du couple Trémorel, et plus particulièrement comment le comte s’est réfugié auprès de son ami de collège, Clément Sauvresy, après s’être totalement ruiné par sa vie de débauche. L’ami généreux est mort de maladie un an auparavant, confiant sa veuve et sa fortune à son ami Hector.
Sous les apparences, la mécanique combinée des passions amoureuses, de la vengeance froidement calculée et de la veulerie provoque une situation classique de couple criminel. Très rapidement, ce thème fera fortune avec Thérèse Raquin qu’Emile Zola publiera l’année suivante. L’objectif de Monsieur Lecoq est non seulement de démasquer l’auteur du forfait, de retrouver les mobiles et les circonstances exactes du crime, d’appréhender le coupable et de disculper les accusés à tort, mais encore de sauvegarder l’honneur des innocents impliqués malgré eux dans l’affaire.
On oublie vite le style et la langue du XIXème siècle, d’une précision qui « donne à voir » comme dans un téléfilm en costumes : les transformations physiques de Monsieur Lecoq, ses monologues intérieurs, ses hypothèses, ses certitudes comme ses doutes, ses paris et ses légitimes satisfactions intellectuelles. Le Crime d’Orcival est un des classiques fondateur du genre roman policier. Il est cité dans « Sacrifices », le troisième volet de la trilogie des enquêtes de Camille Verhoeven de Pierre Lemaitre. Ce qui confirme son caractère toujours actuel ...
Le crime d’Orcival, polar d’Emile Gaboriau (1866) au éditions Le Masque, 504 p. 8,80€