La Lune éclairait la Terre. Démasqués, arbres et buissons amarraient leurs ombres sur la neige. C’était une nuit d’hiver, une nuit de pleine Lune. La dernière.
Des mois auparavant, l’alerte avait été lancée. Un météorite filait droit sur les hommes. Un monstre de roc, une bête gigantesque. 100 kilomètres de diamètre. On prévoyait une explosion effroyable, 10 000 fois Hiroshima et Nagasaki réunies. Là où l’Homme avait échoué, un vulgaire caillou du cosmos réussirait. La fin du monde. L’apocalypse.
Ce fut le chaos. Les pleurs succédèrent aux cris et à la consternation. La vie disparaîtrait. Sous les lamentations, on
Car il y avait une option. Détruire le monstre. Ou le chasser. Unir les nations, lui lancer une pluie d’ogives nucléaires, un tir groupé, un gigantesque boom sur la pierre, une chiquenaude de côté, qu’on espérait suffisante pour le détruire, ou à tout le moins, le dérouter vers les ténèbres de l’espace.
Certains y ont cru. Les prières foisonnèrent, au cas où Dieu y serait pour quelque chose. Le jour du lancement, on retint son souffle. Du moins un instant. Le choc adviendrait des jours plus tard. Alors, on scruta l’azur le jour, la voûte étoilée la nuit. Dans l’espoir…
La déflagration eut lieu. À des centaines de milliers de kilomètres du sol terrien. Un tir parfait. Certains l’observèrent à travers un télescope. La télé annonça la nouvelle, les réseaux sociaux surchauffèrent. « La cible avait été atteinte ! Le monstre était maté ! Les calculs le confirmaient. Le météorite échouerait, raterait la Terre ! Le monde était sauvé ! »
L’humanité en liesse célébrait son génie. Et sa chance. Jusqu’à cette langue de feu sur la pleine Lune par une nuit d’hiver. Obnubilés par les réjouissances et complaisants de soulagement, les savants n’avaient pas prédit le danger. Consternés, ils constatèrent leur imprévoyance. Le monstre vivait encore, rageait, se vengerait sur une victime plus petite, mais ô combien précieuse. La Lune.
Elle décrocha, l’ampleur du choc la propulsant dans l’infini. Elle devint un point lumineux fuyant une Terre agonisante. Les poètes pleurèrent son départ, mais minimisèrent l’effet de sa défilade. Tout de suite, les savants comprirent. Trop tard.
Issue d’un cataclysme, de la collision de la Terre avec un corps céleste, la Lune avait accompagné la planète pendant quatre milliards et demi d’années, la stabilisant, lui attribuant des conditions uniques. Une atmosphère s’était développée, les océans l’avaient recouverte, la vie avait germé, avait prospéré. Mais une nuit d’hiver, bouclant la boucle de la fatalité, une insipide pierre anéantit un monde grandiose, la Planète bleue, la Terre, entraînant dans le néant la vie qui y florissait, avec son joyau, l’Homme, sa raison, et sa vanité.
Inspiré de
http://www.radioh2o.ca/vivresanslune/
Notice biographique
(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)
© Jean-Marc Ouellet 2014