En 1914, la France s’engage dans la première guerre mondiale. La France, cela signifie ses Dom-Tom aussi. Aux Antilles, lorsque les militaires arrivent à la recherche de volontaires pour défendre la patrie, les réactions sont mitigées. Certains sautent sur l’occasion. D’autres voient partir leurs fils, leurs maris, leurs frères, Là-Bas. Il y a par exemple Théodore, le coupeur de canne à sucre, qui s’est porté volontaire à l’incompréhension de sa mère. Il y a aussi Lucien, le frère jumeau de Lucianise, dont elle a vu la mort Là-Bas dans la boue et le froid, elle qui est un peu sorcière. Il y a aussi Rémilien l’instituteur, l’instruit, qui gagne le respect dans les camp de prisonnier grâce à sa connaissance du Français que lui envient les Basques et les Bretons. Et surtout, il y a tout ceux qui restent, qui attendent, qui vivent de si loin l’effort de guerre.
Le point de vue de ce roman a le mérite d’être original. On oublie trop souvent que la France dépasse les frontières des océans et qu’on s’est empressé d’aller enrôler les Antillais lorsqu’il a fallu envoyer des gens dans les tranchées. Ici, on s’applique à nous montrer à quel point ils sont loin, et pourtant, paradoxalement, à quel point certains se sentent concernés, investi de la mission de protéger la patrie. Comme les autres, ils vivront l’enfer de la boue, du froid, de la mort, de l’horreur, auquel viendra s’ajouter le racisme et la découverte d’un pays qui n’a rien de commun avec le leur; et comme les autres, ceux de cet arrière lointain vivront l’attente, l’angoisse de savoir si les leurs sont vivants ou morts, le désespoir de ne pas récupérer leurs corps.
Le problème, justement pour moi, c’est ce “comme les autres”. Si le roman mentionne bien parfois les spécificités du conscrit créole, s’il s’applique par le style, le lexique, le parlé, l’ambiance, à bien nous immerger dans l’exotisme particulier de ces poilus-là, cela n’a pas suffi à m’apporter quelque chose de plus que les autres romans sur la Grande Guerre. Je n’ai pas eu l’impression de découvrir quelque chose et je n’ai pas été plus émue par le sort du bataillon créole que je ne l’aurais été par celui de n’importe quel autre, alors que j’aurais souhaité être davantage dépaysée et découvrir réellement une autre vision de cette guerre. Un peu dommage.
Par ailleurs, il fait aussi le choix de nous faire vivre l’histoire comme une suite de témoignages des principaux protagonistes. Il n’y a pas de fil conducteur, pas d’intrigue autre que de laisser la parole aux uns et aux autres au fil des quatre années de guerre. Là encore, le but est de créer davantage une ambiance qu’un récit, mais je ne suis pas spécialement amatrice de ce genre narratif.
La note de Mélu:
Pas assez dépaysant pour moi (mon Dieu, que je suis blasée…) malgré une idée de départ intéressante. Livre lu dans le cadre du http://www.prixoceansfranceo.fr/
Un mot sur l’auteur: Raphaël Confiant (né en 1951) est un écrivain français qui écrit également en créole.