Les maths mènent à tout

Publié le 21 mars 2014 par Ancre_de_chine
Il y a 30 ans, la Chine avait un système scolaire qui tentait de se relever de ses cendres, la révolution culturelle avait tout brûler. Elle lorgnait du côté de l'Occident et se disait qu'aucun progrès ne pourrait s'accomplir sans les mathématiques, la physique et la chimie.

Depuis, tout a changé. Les medias occidentaux ont salué les résultats de la Chine, en mathématiques particulièrement, lorsque le rapport PISA 2012 est sorti en décembre 2013. Déjà en 2009, c'était bien, j'avais lu l'information en diagonale, la Chine était bien loin et, surtout, les commentateurs de mon pays s'étaient indignés que nous soyons si "mauvais".

Résultats de de l'étude de 2009


Ceux de l'étude de 2012

Maintenant, la Suisse est un peu rassurée, la France est indignée, il n'y a qu'à consulter les nombreux articles à ce sujet que l'on trouve sur Internet. Shanghai pavoise. Parce que c'est ça, il ne s'agit pas de la Chine, non, juste de Shanghai où les écoles sont nombreuses, où les gens sont plus aisés, où l'éducation est plus accessible, où les enseignants ont envie d'y travailler. J'avais écrit un billet sur les difficultés d'enseigner en région rurale, on voit bien que c'est de l'eau et du vin.

Reprenons. D'abord, PISA c'est quoi ? Le programme PISA (acronyme pour "Program for International Student Assessment" en anglais, et pour "Programme international pour le suivi des acquis des élèves" en français) est un ensemble d'études menées par l'OCDE et visant à la mesure des performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres. Leur publication est triennale. La première étude fut menée en 2000. Un des objectifs de ces études est de comparer les performances de différents systèmes éducatifs en évaluant les compétences acquises par les élèves en fin d'obligation scolaire (quinze ans). Ces compétences sont définies comme celles dont tout citoyen moyen peut avoir besoin pour réussir dans sa vie quotidienne, ce que l'anglais appelle literacy (par exemple reading literacy, mathematical literacy et scientific literacy) difficilement traduisibles en français, qui parle plus vaguement de culture mathématique ou de savoir lire par exemple. Il s'agit plus d'évaluer la façon dont les jeunes sont capables d'exploiter leurs connaissances dans leur pratique quotidienne que leur niveau théorique dans tel ou tel domaine des sciences ou des lettres. (Wikipedia) Pour les résultats détaillés et les commentaires de l'OCDE, il faut aller voir sur son site.

La ministre de l'éducation britannique est même venue en personne à Shanghai pour voir comment les mathématiques sont enseignées par ici. La Grande-Bretagne a atterri au 26e rang en maths. Horreur, des enfants d'ouvriers de Shanghai ont mieux réussi que des filles et des fils de médecins ou d'avocats britanniques. Extraits de ses commentaires : "Notre productivité et notre croissance sont menacées par des compétences médiocres en maths. Les enfants de Shanghai ont des longueurs d'avance sur les enfants britanniques. Shanghai et Singapour ont un enseignement et une philosophie positive qui font toute la différence. Ils sont d'avis qu'assiduité compense manque de capacités. Nos nouveaux programmes les prennent en exemple parce que nous avons la preuve que cela marche là-bas. Si nous n'agissons pas rapidement nous serons face à un déclin économique. Les maths mènent à tout !"

Elizabeth Truss à Shanghai

Pourtant, après la fierté affichée plus tôt, par ici on relativise. A quoi servent les maths au quotidien ? Doit-on savoir calculer la demi-vie d'un isotope ou de l'aire d'un triangle équilatéral pour réussir en sociologie, finance ou dans les soins infirmiers ? Les examens de maths pour entrer à l'université sont assez poussés, mais certains étudiants de langues s'accordent à dire qu'à part pour leurs besoins courants, ils n'utilisent pas les maths pour lesquelles ils ont tant travaillé. A la poubelle algèbre, géométrie, trigonométrie...
Attention ! Les maths façonnent la pensée logique, elles contribuent à une formation complète, quelle que soit la profession choisie par la suite. "Beaucoup de gens n'y voient qu'un outil de calcul et ignorent la richesse des méthodes utilisées à résoudre les problèmes," plaide un professeur de maths à l'Université Normale de Shanghai. Il a analysé questions et réponses de PISA : "Nos élèves sont moins bons dans l'application de méthodes de maths pour résoudre des problèmes spécifiques. Nous devons continuer de développer une autre manière de penser, plus innovante, pour réduire la charge de mémorisation de formules chez les étudiants. Il faut améliorer nos méthodes, mais aussi réfléchir aux examens que les étudiants doivent réussir pour entrer dans des écoles supérieures. Ne rendons pas les maths optionnelles pour des jeunes de 15 ans. Cette discipline est indispensable à ceux qui se destineraient à construire des ponts, des gratte-ciel, des fusées, des programmes informatiques... Arrêtons de viser les résultats, mettons en avant le processus."