La présentation – tout à fait passionnante et extrêmement convaincante – de ce concept original fait l'objet d'un long article dans l'ouvrage de la série OpenMind dont nous gratifie la banque espagnole chaque année, intitulé cette fois « Ch@nge: 19 Key Essays on How the Internet is Changing our Lives ». Pour les plus pressés, un résumé en a également été publié dans la prestigieuse « MIT Tech Review ».
Les prémices de la démonstration sont sans surprise. Sous l'impulsion des nouvelles technologies, le monde actuel change profondément – comme le démontre, par exemple, la disparition de Kodak – et si les institutions financières semblent aujourd'hui épargnées – que ce soit en raison de la réglementation qui « verrouille » le secteur, d'une population d'utilisateurs en moyenne relativement âgée ou d'une tradition d'inefficacité portée par une longue période de forte croissance – le répit ne durera plus très longtemps.
Alors que la pression s'accentue sur les établissements traditionnels, en raison de la baisse de leurs marges, les premiers indices des disruptions à venir sont déjà visibles, à travers, entre autres, les évolutions des attentes des consommateurs et l'entrée de nouveaux acteurs dans le pré carré des banques. Dans ce dernier registre, ce sont aujourd'hui des niches qui sont visées (notamment dans les paiements), mais celles-ci se multiplient et étendent continuellement la surface de la menace.
Le discours devient nettement plus original quand F. González aborde ensuite les impacts et les conséquences de ces constats pour le secteur financier. Il déclare ainsi, sans ambages, que, si elle veut rester compétitive, la banque doit se doter de plates-formes (technologiques) entièrement nouvelles, réinventées à partir d'une feuille blanche, permettant de se débarrasser des paradigmes datant de 50 ans (aux origines de l'informatique) et donc de répondre aux enjeux du 21ème siècle.
Et lorsqu'il décrit ensuite sa conception du système d'information « idéal » – composé d'un cœur, fournissant les capacités de base de traitement et d'analyse de données, d'un middleware, destiné à mettre ces ressources à disposition de la couche suivante, et d'un front-office accessible par les clients, dans lequel tous les canaux sont interconnectés de manière transparente et où les médias sociaux sont intégrés – il est clair que le président de BBVA est effectivement entré dans l'ère de ce qu'il appelle l'industrie « BIT » (Banque, Information et Technologie).
Et ce n'est pour lui qu'une étape, vers la « banque de la connaissance » (« knowledge banking »), dont le modèle consistera à capitaliser sur la connaissance intime du client, acquise grâce aux données que possèdent les institutions financières, dont aucun autre acteur – y compris les géants du web – n'a d'équivalent. Et cette manne sera utilisée non seulement pour offrir des services financiers mieux ciblés mais également pour attaquer de nouveaux marchés. Plutôt que de subir la menace de Google, il faut passer à l'offensive !
La transition sera extrêmement difficile : elle requiert une transformation intégrale de la culture d'entreprise. En perspective, F. González imagine que seuls quelques établissements (une centaine à l'échelle mondiale ?) prendront la dimension nécessaire, qui leur permettra de s'accaparer la relation client (comme le fait Amazon dans le commerce en ligne). Les autres seront relégués au rôle d'usines, produisant les services (financiers ou non) que distribueront ces « banques de la connaissance ».
Tandis que la plupart de ses consœurs jouent les autruches et se cachent la tête dans le sable, sans omettre de clamer haut et fort leur engagement dans l'innovation (pour faire bonne figure), BBVA est une des rares banques dans le monde à faire état d'une réelle vision à long terme et à développer une stratégie qui lui permette d'y renforcer sa position et de continuer à prospérer. En réalité, il s'agit, dans une certaine mesure, d'une question de survie à une révolution inévitable.