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"Marine et Lila" d'Abigail Seran

Publié le 20 mars 2014 par Francisrichard @francisrichard

Au moment d'une rencontre avec une personne, nous ne savons pas si elle sera sans lendemain ou si, au contraire, elle aura une influence sur notre vie, une petite ou une grande influence, une influence bonne ou mauvaise. C'est l'incertitude de la vraie vie, qui ne vaudrait pas la peine d'être vécue autrement.

Si notre dignité d'êtres humains nous conduit à nous comporter en êtres libres, nous ne maîtrisons en effet que dans une certaine mesure ce qui nous entoure et, souvent, un petit rien est le facteur déclencheur de conséquences imprévisibles pour nous, auxquelles force nous est de nous adapter, ce qui se fait, en principe, dit-on, de mieux en mieux avec l'expérience...

Dans le roman d'Abigail Seran, il n'y aurait pas d'histoire s'il n'y avait pas au départ une rencontre fortuite entre deux femmes, Marine et Lila.

Un mercredi, Lila Belezam se rend à la poste d'un quartier où elle se rend régulièrement ce jour de semaine. Une fois son opération faite, elle s'apprête à partir et s'en va déjà quand la guichetière, Marine Drehan, l'interpelle pour lui signaler qu'elle oublie son portemonnaie. Pour la remercier Lila propose à Marine, qui accepte, après un court moment d'hésitation, de prendre un café avec elle.

C'est le début d'une grande amitié improbable. Car Marine a la soixantaine et quelque, et Lila un peu plus de la trentaine. Marine est employée de la poste et Lila médecin dans un hôpital. Marine est veuve d'un professeur de littérature médiévale, qui était de trente ans plus âgé qu'elle - elle l'avait épousé en dépit des jaseries -, et Lila mariée avec Jules, ingénieur des Ponts et Chaussées, du même âge, souvent en déplacement. Marine a une fille de quarante-cinq ans, Moira, qui vit aux Etats-Unis, et Lila un petit garçon de huit ans, Antoine.

Tous les mercredis, dès lors, Marine et Lila prennent le café ensemble, à la terrasse ou à l'intérieur du même bistrot de Versailles.

Quand les vacances scolaires d'été surviennent, Marine propose très naturellement à Lila de venir chez elle avec Antoine prendre le café, pour ne pas rompre le lien. Marine fait la conquête d'Antoine, surtout à partir du moment où, lui faisant confiance, elle lui permet d'explorer sa remise, un capharnaüm plein de trésors, et où il fait la rencontre du chat Fenouil, vieux compagnon de Marine.

Quand Jules, Lila et Antoine partent en vacances dans leur maison de l'île, Lila envoie des cartes postales à Marine, et Antoine, une seule, où il propose que la prochaine fois elle vienne avec eux. A chaque carte postale, Marine répond par une lettre à Lila et par une autre à Antoine. Toutes ces lettres de Marine les attendent à leur retour.

Bien que réticent, Jules fait à son tour connaissance avec Marine et est également conquis. D'heureux liens se tissent donc entre eux jusqu'au jour où Lila apprend que Marine est sous dyalise et que, pour ce faire, elle se rend trois fois par semaine à l'hôpital où elle exerce. C'est le grain de sable, qui, comme souvent dans l'existence, vient gripper le cours des choses.

Marine vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Pour continuer à vivre normalement, il faudrait qu'elle bénéficie d'une greffe d'un rein compatible, mais il y a peu de donneurs et la liste d'attente est longue. La fin de l'histoire est la quête d'une solution pour que vive Marine et pour que son bonheur retrouvé grâce à sa  nouvelle famille - Jules, Lila et Antoine - ne se perde pas.

Ce roman a beaucoup de charme et il a des vertus roboratives. Tous les personnages en sont attachants non seulement parce qu'ils ont un accent de vérité, mais parce qu'ils ont plus que cela: ils s'incarnent réellement et très naturellement dans l'imaginaire du lecteur, qui se prend à les aimer.

Marine apparaît comme une sympathique charmeuse. Lila comme un docteur compétent et sensible, connaissant son sujet. Antoine a des mots d'enfant, un enfant qui peut être tour à tour sérieux ou facétieux.

Et jusqu'au bout on espère que les liens tissés entre ces êtres, et qui ont quelque chose de fabuleux, ne seront pas rompus. Mais est-ce possible quand des lois édictées par des hommes ne permettent pas de trouver une solution humaine ou quand des préjugés s'y opposent?

Francis Richard

Marine et Lila, Abigail Seran, 232 pages, Plaisir de lire


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