Va-t-on laisser quelques lobbies ruiner notre ambition climatique?
A la veille du sommet européen sur les politiques énergétiques et climatiques à l’horizon 2030, des écologistes politiques, associatifs, professionnels et citoyens appellent les chefs d'Etat et de gouvernement à résister aux lobbies anti-énergies renouvelables et François Hollande à mettre sur pied une réelle stratégie industrielle en la matière, rappelant que le secteur est générateur d'emplois. Les premières conséquences dramatiques du dérèglement climatiqueobservées partout dans le monde, la dépendance énergétique et politique de l’Ukraine vis-à-vis du gaz russe et la catastrophe toujours en cours à Fukushima trois ans après le tsunami démontrent combien notre présent et notre futur dépendent de nos choix énergétiques.Alors que l’Union européenne négocie son prochain cadre législatif sur le climat et l’énergie, à travers son Paquet Energie-Climat 2030, une campagne acharnée contre les énergies renouvelables continue de se déployer en France comme en Europe, orchestrée notamment par les groupes énergéticiens tels que GDF Suez, E-ON, RWE, ENI, Enel ou encore Iberdrola, dont les perspectives commerciales ont décliné suite à la dramatique renaissance du charbon en Europe et se verront mécaniquement réduites par le développement continu des renouvelables.Pourtant, plus de deux tiers (71,3% en 2011) des nouvelles capacités de production électrique installées en Europe sont désormais renouvelables. Un récent sondage montre également que quatre Européens sur cinq se prononcent en faveur de la lutte contre le changement climatique pour favoriser une reprise économique génératrice d’emplois, et neuf Européens sur dix estiment important que les gouvernements fixent des objectifs visant à accroître l’utilisation des sources d’énergie renouvelable d’ici à 2030.Nous, écologistes politiques et associatifs, professionnels et citoyens, dénonçons aujourd’hui cette stratégie de contre-révolution conservatrice dont le seul objectif est de maintenir un système rentier, centralisé et non démocratique, excluant les citoyens de leur destin énergétique.Les négociations telles qu’elles sont menées au niveau européen nous effraient, à juste titre. La Commission européenne est prête à abandonner l’objectif de limiter le réchauffement à 2°C, avec les risques terrifiants que cela implique. L’objectif de 27% sur les énergies renouvelables n’est plus traduit en objectifs nationaux contraignants, et reste bien inférieur à ce qu’il est possible de faire pour réduire nos émissions de manière durable. La Commission ne propose par ailleurs pas d’objectif contraignant pour l’efficacité énergétique, levier premier pour en finir avec le gaspillage, la précarité énergétique et notre dépendance vis-à-vis de la Russie et des pétro-monarchies.Dans un contexte de crise, cette mainmise des lobbys sur les décideurs politiques ne privilégie aucunement l’emploi, et va à l’encontre même des conclusions des experts de la Commission. Celle-ci assure, dans son étude d’impact du Paquet Energie-Climat 2030, qu’une baisse de 40% de la production de gaz à effet de serre couplé avec un objectif additionnel de 30% d’énergies renouvelables pour 2030 créerait déjà 1,2 million d’emplois environ en Europe ! Le sommet européen des 20 et 21 mars prochain devra préciser l’ambition de nos futures politiques énergétiques et climatiques à l’horizon 2030.Nous, écologistes politiques et associatifs, professionnels et citoyens, appelons l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement à entendre la voix des citoyens et faire preuve de courage et d’ambition lors du prochain Conseil européen de mars, en défendant un objectif contraignant de 45% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en Europe d’ici à 2030, avec une clé de répartition nationale elle-aussi obligatoire.Qu’on le veuille ou non, la lutte contre les changements climatiques est aujourd’hui une absolue nécessité, et la transition énergétique, une partie de la solution. Selon l’OCDE, les dommages en France seraient de l'ordre de 100 milliards d’euros par an en 2050, voire 150 milliards si les investissements étaient différés à 2020.Et pourtant, la France enregistre des résultats de plus en plus médiocres dans le soutien et le développement des renouvelables. Depuis 2010, on observe une baisse croissante des effectifs du secteur des énergies renouvelables, passant de 105 600 personnes en 2010 à 90 100 en 2012, soit une perte de plus de 15 000 emplois en seulement deux ans. Pourtant, 100 à 150 000 emplois directs nets pourraient être créés d’ici à 2020 dans la production d’énergie par le développement des renouvelables, selon Greenpeace et Négawatt, prouvant l’attractivité et la compétitivité de ce secteur s’il est soutenu.La part des énergies renouvelables plafonne à 13% en France, ventre mou de l’Europe, rendant improbable l'objectif de 23% en 2020 fixé par le paquet européen énergie-climat de 2008. Elle n’exploite donc pas ses nombreux atouts en matière d’énergie renouvelable, se reposant principalement sur son équipement hydraulique, grand symbole de la reconstruction d’après guerre.De vieux démons resurgissent ainsi, remettant en cause le bien-fondé d’un modèle énergétique post-fossile à coups d’arguments fumeux sur le coût de la transition en période de crise généralisée, la mise en péril des emplois, ou encore une facture énergétique exorbitante que cette dernière engendrerait.Il faut briser le mythe du nucléaire pas cher, car les réalités économiques sont ailleurs ! Alors qu’un EPR comme celui de Flamanville (dont le coût est passé de 3,3 à 8,5 milliards d’euros) assurera un prix pour l’énergie de plus de 11,5 centimes par kWh, les coûts des énergies renouvelables n’ont fait que baisser : l’éolien sur terre coûte entre 7 et 9 centimes, le photovoltaïque grande surface entre 9 et 11 centimes.Mais les détracteurs s’acharnent à déconstruire la transition énergétique allemande, faisant volontairement la confusion entre la sortie du nucléaire et le développement des renouvelables avec le remplacement du gaz par le charbon dans les centrales thermiques, alors que ce sont près de 400 000 emplois qui ont été créés pour les seules énergies renouvelables en 2011. Quand au pilotage de cette transition, un comité a été mis en place, pour analyser les aspects et difficultés liés à la transition et permettre un ajustement au plus près des politiques publiques. Alors à quand notre propre révolution énergétique française ?Nous, écologistes politiques et associatifs, professionnels et citoyens, appelons le président François Hollande à mettre sur pied une stratégie industrielle et énergétique sur le long-terme basée sur les énergies renouvelables, en encourageant le développement de technologies et infrastructures innovantes, portée notamment par des PME compétitives génératrices d’emplois et de bien-être pour les générations actuelles et à venir. Dans l’immédiat, nous lui demandons de réhausser significativement l’ambition de la France pour le paquet climat-énergie européen 2030, en défendant des objectifs ambitieux et contraignants pour le climat, les renouvelables et l’efficacité énergétique. C’est aussi une condition sine qua non pour réussir la conférence climatique internationale que Paris accueillera en 2015.19 MARS 2014 | PAR LES INVITÉS DE MEDIAPART