En 2011, Tycho se faisait mondialement connaître avec la sortie de son album “Dive“ chez Ghostly International Records. Trois ans plus tard, c’est sur le même label que le californien revient avec le bien nommé « Awake », enivrant voyage au cœur d’un paisible paradis artificiel.
Alors qu’il avait réalisé ses précédents opus en solo (et oui, même si personne ne s’en rappelle, son premier album est sorti en 2004), Scott Hansen s’est cette fois-ci entouré de deux musiciens, Zac Brown (guitare, basse) et Rory O’Connor (batterie) pour faire de Tycho un “three-piece band”. Pour la première fois, le discret Scott a donc mis le nez hors de sa chambre et ça se ressent : là où “Dive“ donnait parfois la sensation d’un après-midi d’été langoureux, allongé dans une barque dérivant au fil d’une rivière tranquille, “Awake“ fait l’effet d’une balade en eau salée, un voilier qui glisse sans bruit à la surface d’une mer d’huile. Toujours pas de vagues, mais de l’air qui caresse le visage à présent. Les mois passés sur scène avec ses nouveaux compères se ressentent dans la construction, rythmique notamment. Cette dernière cisèle parfaitement l’espace sonore et constitue la colonne vertébrale des 40 minutes de l’album, point d’attache quasi-organique des mélodies éthérées aux échos lointains qui caractérisent Tycho.
On aurait pu croire qu’une assise rythmique bien ficelée allait octroyer aux guitares et synthés le droit à quelques folies et autres envolées casse-gueule, mais c’est mal connaître Tycho et son perfectionnisme à la limite du Trouble Obsessionnel Compulsif. Scott Hansen est un artiste visuel respecté (sous le blaze ISO50, c’est d’ailleurs lui qui est responsable des beaux artworks de ses albums) et son approche de la composition musicale relève bien du graphisme sourcilleux. On sent que chaque ensemble a été travaillé et retravaillé dans le moindre détail, ce qui rappelle que sur son album précédent, Hansen avait été jusqu’à enregistrer chaque kick de batterie pour donner l’illusion du réel plutôt que d’utiliser des beats synthétiques. Et c’est finalement toujours ça dont il est question ici : donner l’illusion d’une réalité où tout serait parfait au kick près. “Awake” est un jardin d’éden artificiel qui veut recréer des sensations organiques sans avoir à assumer l’instabilité caractéristique, mais néanmoins créatrice, de la nature. D’où parfois un côté légèrement aseptisé, une sensation de tourner en rond, notamment après plusieurs écoutes.
Dommage ? Pas sûr. Ce qui fait la force de Tycho, c’est son sens de la superposition des différents instruments et effets, la discrète mélancolie qu’il insuffle dans ses compositions, et, ce qui est nouveau par rapport à “Dive“ et qui fait de cet album un exercice plus abouti, cet écho des grands espaces, ce sentiment de liberté qui chatouille l’estomac de celui qui fait face à un paysage grandiose. Le break au milieu du morceau “See“ en est le meilleur exemple, splendide construction mélodique qui semble résonner contre des rivages lointains que l’on devine sans voir. Peu importe finalement que Tycho ne prenne aucun risque, il évolue, grandit tout en assurance et comme le dit Scott Hansen lui-même “in many ways (this album) is the true first Tycho record”. On est bien d’accord, un palier a été franchi : “Awake“ est un vrai bel album et surtout un sacré voyage.
Tycho sera en concert le 27 mars au Trabendo, Paris.
Pour acheter l’album, c’est par là.