L’arrivée politique spectaculaire de l’homme d’affaires Pierre-Karl Péladeau (PKP) n’a pas eu l’effet positif escompté par la PM Pauline Marois lorsqu’elle l’a recruté pour briguer les suffrages du Parti Québécois dans le comté de St-Jérôme, en vue de l’élection générale québécoise du 7 avril prochain.
Malgré cette annonce surprise qui devait apporter une publicité extraordinaire au Parti Québécois (PQ), l’effet recherché ne se concrétisa pas. Depuis, la PM Marois a vu ses appuis diminuer, les probabilités d’une victoire certaine pour son parti s’évaporer et son adversaire libéral Couillard prendre une avance de trois points dans les sondages.
Qui est le responsable ? PKP ? Marois ? J’estime que la faute incombe à la première ministre. Elle et ses conseillers ne se sont pas assuré que le discours de PKP respecterait la stratégie établie pour gagner l’élection. Il est clair qu’elle a laissé PKP libre de dire et d’agir comme il le voulait. Et, celui-ci y est allé d’une déclaration tonitruante sur la situation du Québec au Canada. Il a affirmé n’être là que pour faire un pays du Québec. De plus, pour donner plus de force à son affirmation, il a levé le poing. Subitement, les Québécois ont compris que l’élection devenait référendaire et que la question était : « OUI ou NON, voulez-vous d’un troisième référendum sur la séparation du Québec du Canada ». Et, comme ils sont 61% à ne pas le vouloir, les résultats des sondages démontrèrent que l’entrée politique de PKP fut un fiasco ! Ses mots et son expression gestuelle ont déplu aux Québécois.
Le poing levé était le signe d’appartenance par excellence de la gauche du milieu des années ’30, tels que : marxistes, anarchistes, communistes ou pacifistes. Favorisant le pouvoir attractif des symboles, le poing levé se voulait pour ces derniers l’expression concurrentielle au bras tendu et à la main déployée des fascistes et des nazis. Plus tard, il a été utilisé par les nationalistes noirs et les nationalistes israélites.
La première fois que je l’ai vu fut aux Jeux Olympiques d’été de Mexico de 1968, lorsque les coureurs américains Smith et Carlos, premier et troisième au 200 mètres, protestèrent, sur le podium de la remise des médailles, contre la ségrégation raciale aux USA en baissant la tête et en pointant, lors de l'hymne américain, leur poing ganté de noir vers le ciel. Ils appuyaient ainsi le Black Power et particulièrement le mouvement afro-américain des Black Panthers. Ils furent exclus à vie des JO. Pourtant, il avait été question d’annuler les Jeux à cause de tout ce qui était survenu durant l’année. Le pasteur Martin Luther King avait été assassiné le 4 avril et Bob Kennedy le 6 juin. Le 20 août, les chars soviétiques avaient pénétré dans Prague. La guerre du Viêt Nam faisait rage. Un conflit au Nigeria provoqua un véritable génocide au Biafra. Les noirs américains étaient très affectés par le racisme qui trônait toujours dans leur pays et par tous ces évènements politiques majeurs. Jusqu’à un certain point, on pouvait comprendre leur ras-le-bol, mais les blancs américains ne pardonnèrent pas ce geste de leurs athlètes qui pour eux était provocateur et menaçant.
Avec le temps, le poing levé, est devenu une expression de révolte, de force ou de solidarité. Aujourd’hui, il sature l’espace mondial des révoltes et est un signe qui annonce qu’on est prêt à en découdre.
On se rappellera la sortie Nelson Mandela de la prison de Robbins Island, marchant main dans la main avec son épouse Winnie et du moment où ils levèrent le poing pour marquer l’évènement. Le poing levé rappelait la marque de commerce de Mandela qu’il l’avait utilisé du temps qu’il préconisait un régime communiste pour l’Afrique du Sud au moment de son emprisonnement. Par la suite, le grand homme qu’il était en changea la signification de revanche pour celle de la tolérance.
En juillet 2010, en vacances, le président Obama achète une glace de « Mount Desert Island Ice Cream » dont l’affiche publicitaire est un poing levé tenant une cuillère et les mots « Mt. Desert is Icecream. Fearless power ». Les conservateurs républicains l’accusèrent sur le champ d’envoyer un message de « Black Power » à sa base militante. Cela démontra clairement que le poing levé est toujours un signe qui fait peur.
Durant les récentes années, le poing levé a été le symbole adopté par les mouvements de la révolution égyptienne en 2011 ; par le groupe international de protestation sociale Occupy, en 2011; et par les manifestants contre le mariage homosexuel en 2013 durant le Printemps français.
Je ne veux pas être injuste envers PKP et le taxer des défauts de la gauche. Il est un homme de droite et c’est bien ainsi. C’est un homme qui peut contribuer à ce que le Québec ait des programmes économiques et des lois pouvant le rendre plus prospère. Si le PQ est réélu, il aura besoin de lui pour le faire.
C’est dommage que PKP ait fait une telle erreur électorale qui de toute évidence nui à son parti. En politique, il faut savoir que les images ont souventes fois plus d’effet que les grandes théories. Dans plusieurs cas, l’apparence est plus forte que la réalité. C’est malheureux, mais c’est comme ça ! Pour une grande majorité de Québécois, l’image du « poing levé » peut être menaçante, un défi marqué de colère, de violence potentielle et l’engagement d’un combat sans merci. PKP n’aurait pas dû l’utiliser pour marquer sa détermination de séparer le Québec du Canada. Je ne crois pas qu’il va répéter ce geste, dans l’avenir, car il vient de comprendre qu’il ne s’apparente aucunement aux Québécois ni à leur façon de vivre. C’est un peuple calme, paisible, renseigné et démocrate.
Claude Dupras
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