Retour aujourd’hui sur Her, la dernière réalisation de Spike Jonze (Dans la Peau de John Malkovich, Adaptation) avec Joaquin Phoenix (Theodore), Scarlett Johansson (Samantha), Amy Adams (Amy), Rooney Mara (Catherine) et Olivia Wilde. L’histoire se déroule à Los Angeles, dans un futur proche. Theodore, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile avec Catherine. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de Samantha, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…
Sans forcément attendre ce film avec impatience au début de l’année, l’accueil favorable qu’il a reçu de l’autre côté de l’Atlantique, et les nombreuses critiques élogieuses qui ont suivi chacune de ses projections, ont suffisamment attisé ma curiosité que pour me donner sérieusement envie de le découvrir. Et au final, je ne regrette absolument pas tant le film m’a séduit. D’abord sur la forme puisque derrière la simplicité apparente de la mise en scène se cache en fait un travail minutieux sur les sentiments. La photographie est superbe et la BO, mélancolique à souhait, confère au long-métrage un charme et une ambiance qui n’appartiennent vraiment qu’à lui. Mais aussi, et surtout, sur le fond qui se révèle extrêmement riche, les sujets abordés étant finalement assez nombreux. Certains y verront en effet une romance d’une beauté incroyable, d’autres un drame romantique emprunt de mélancolie, et d’autres encore un film de science-fiction s’interrogeant sur l’omniprésence de la technologie dans la société. Et tout l’intérêt du film est justement de laisser à chacun l’opportunité d’y voir ce qu’ils souhaitent, Her étant en fin de compte un peu tout cela en même temps, et tellement plus encore.
Et si le procédé fonctionne aussi bien, c’est certainement car le futur décrit à l’écran par Spike Jonze est tout à fait plausible. Comment imaginer en effet, à l’heure où certaines technologies semblent déjà gouverner nos vies, que le phénomène ne puisse pas s’amplifier au fil des années au point de développer avec le temps une véritable relation avec elle? En cela, le long-métrage est particulièrement intéressant car il suscite immédiatement bon nombre d’interrogations sur la nature même de l’amour, ainsi que sur ce qui détermine la réalité d’une relation, qu’elle soit humaine ou virtuelle. Des interrogations qui continuent d’ailleurs de nous habiter longtemps après le visionnage, le long-métrage ayant la bonne idée de ne jamais imposer de réponses définitives, ou même de jugements sur le mode de vie des protagonistes. A la place, le réalisateur se contente d’observer une société futuriste et de la dépeindre du mieux possible au travers d’une romance complètement inédite. Ce qui est judicieux pour deux raisons précises. D’abord car sans ce choix de traitement, l’ensemble aurait rapidement pu devenir moralisateur, et donc perdre en réflexion. Et ensuite car en mettant ainsi l’accent sur l’émotionnel, plutôt que sur le rationnel, le réalisateur nous permet de projeter nos propres perceptions des choses, rendant par conséquent le récit encore plus émouvant.
Enfin, comment ne pas évoquer la magnifique prestation des acteurs qui transcendent littéralement l’histoire en véhiculant tout du long une multitude d’émotions fortes. Joaquin Phoenix, tout d’abord, illumine le film de tout son talent dans la peau de cet homme d’une tendresse infinie, et exprime une variété de sentiments qui tient véritablement du génie. D’autant plus si on considère qu’il n’avait aucune personne physique à qui donner la réplique lors du tournage, et qu’il devait donc s’imaginer mentalement les réactions. Tantôt drôle, tantôt touchant, il laisse difficilement indifférent et prouve une fois encore, si besoin en était, son aisance déconcertante à se fondre dans n’importe quel personnage. Scarlett Johansson, ensuite, réussit la prouesse de n’exister qu’avec sa seule voix pendant près de 2 heures. Une performance époustouflante qui rend la romance crédible et qui permet au film de tenir la route du début à la fin. Ce qui n’aurait pas été le cas si le charme redoutable de la voix suave de la comédienne n’avait pas opéré. Pour finir, Amy Adams, Olivia Wilde, Rooney Mara, et même Chris Pratt d’une certaine façon, nous gratifient de prestations, certes plus discrètes, mais qui renforcent tout de même l’impact émotionnel du récit.
En conclusion, Spike Jonze signe donc avec Her un drame aussi touchant que bouleversant. Combinant une forme sublime à un fond hautement réflexif, le film peut s’appuyer sur un Joaquin Phoenix épatant et une Scarlett Johansson à la voix dévastatrice pour distiller un torrent d’émotions dont il est bien difficile de sortir indemne. Gros coup de cœur !