On se moquait du “monde virtuel de la finance”. Une machine régulée par les banques centrales et huilée par des monnaies émises par elles. Maintenant que leur monopole d’émission monétaire est contesté par des monnaies numériques, elles les accusent d’être des “monnaies virtuelles”. Mais le crédit créé par le banquier en tapant sur un clavier d’ordinateur n’est-il pas une monnaie virtuelle ? Depuis que le système monétaire international a abandonné l’étalon-or pour adopter la monnaie-papier, il est entré dans le monde virtuel de la monnaie.
La Banque de Maurice est dans son rôle en mettant le public en garde contre l’utilisation d’une monnaie qui n’est pas réglementée, d’autant qu’il existerait des failles de sécurité informatique. Cependant, on peut aussi dire qu’il n’y a aucune garantie que la valeur des monnaies réelles demeure stable, et qu’elles ne servent pas à des activités criminelles comme le blanchiment d’argent. Le meilleur moyen de décourager les Mauriciens à s’intéresser au bitcoin, c’est de préserver le pouvoir d’achat de la roupie en combattant l’inflation, si besoin est, par une hausse du taux d’intérêt. Sinon, ils sont libres de spéculer sur le bitcoin, tout comme d’autres boursicotent pour des gains… virtuels.
Le bitcoin est une monnaie numérique sécurisée, ne dépendant d’aucune autorité centrale, et le réseau d’ordinateurs qui le fait fonctionner se gère lui-même. Si la Banque centrale européenne (BCE) considère le produit comme douteux, et la Chine vient de l’interdire, en revanche l’Allemagne lui a donné le statut officiel de “monnaie privée” et l’a reconnu comme une unité de compte. Lancé le 3 janvier 2009, le bitcoin représente le sommet de l’innovation en matière de monnaie numérique, après les Litecoin, Peercoin, Anoncoin et Zerocoin. C’est la popularité du bitcoin qui fait maintenant réagir les instituts d’émission…
S’annonce donc une lutte acharnée entre les Etats et les utilisateurs de bitcoin. Des entreprises dans le monde acceptent des paiements avec cette monnaie vu qu’en l’absence d’intermédiaire, les coûts de transaction sont minimes comparativement aux frais bancaires. A terme, nos banques protégées par les autorités auront à donner des services plus compétitifs à leurs clients.
A la suite des politiques d’assouplissement quantitatif de la Fed, de la BCE et de la Banque d’Angleterre, les prix des produits en dollar, en euro ou en livre sterling augmenteront dans le long terme. En revanche, il sera impossible de déprécier la valeur du bitcoin par plus d’émission, car le nombre de bitcoins sera limité à 21 millions. L’ancien président de la Fed, Ben Bernanke, affirmait que la monnaie numérique “may hold long-term promise”.
Le bitcoin est une alternative monétaire (altcoin), mais pas (encore) une monnaie réelle. A l’instar de la cigarette qui était de la monnaie seulement dans les camps de prisonniers de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale, le bitcoin est limité à sa plateforme d’échange. Il fonctionnera comme une vraie monnaie dès qu’il peut être universellement échangé contre d’autres biens et services.
Ceux qui promeuvent la concurrence bancaire ne devraient pas regimber devant la concurrence monétaire. Les monnaies virtuelles échappent aux manipulations des banques centrales et des politiciens. Pour cette raison, reprenons le magazine The Economist : “So let a thousand altcoins bloom.”
Par ERIC NG PING CHEUN, Managing Director PluriConseil - article publié en collaboration avec Audace Institut Afrique