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Vis ma vie d'expatriée #7 : le Carnaval pour chasser l'Hiver

Publié le 19 mars 2014 par Blabla
Aujourd'hui chez les terriens ... une geekette en apprend plus sur les coutumes du peuple wallon.
Jusqu'à il y a un an, je ne savais pas grand chose de la Belgique. Pour moi, comme beaucoup de gens, c'était juste le pays des moules-frites, de la bière et du chocolat, et la patrie de mon homme ... Mais je découvre régulièrement des choses, des coutumes, des histoires, des traditions. C'est un des avantages de l'expatriation : la découverte. Et ce mois-ci j'ai découvert le carnaval à la manière wallonne (ou plus précisément, à la mode de Binche) et son chapelet d'anecdotes ...

Vis ma vie d'expatriée #7 : le Carnaval pour chasser l'Hiver

les Gilles de Binche, le 4 mars 2014


Pour moi, le carnaval ça a d'abord - et pendant longtemps - été simplement une fête de l'école avant l'heure. On se déguisait, on allait faire la fête avec le village, et on avait des merveilles (les fameux beignets du Mardi Gras). Une fois ado, ce fut une autre tradition : le spectacle de carnaval du collège, qui exemptait de tous les cours de la journée ceux qui y participaient (le seul véritable intérêt, de fait ^^). Puis ... plus rien. Oui, c'est triste de grandir.
Et puis, je suis venue vivre en Belgique.
Ici, la tradition du carnaval, c'est générationnel et national. Et ça prend de la place dans la vie de ceux qui font vivre cet événement. Et surtout, c'est très symbolique et important dans la vie des gens du cru. 
S'il est l'occasion de s'amuser avec sa famille, ses amis et ses voisins, le carnaval a ici un but précis : faire du bruit pour chasser l'hiver, et se préparer de façon festive à la venue du printemps. J'avoue que j'ai beaucoup aimé cette symbolique, c'est mignon et terriblement sensé. Dans notre village, Elouges, qui fait partie de l'entité de Dour, il faut avouer que les festivités n'étaient pas très animées ... Le temps était assez frais l'après-midi pour le défilé, et la rue était désertée, j'ai trouvé ça dommage. Mais avantageux car cela m'a permit de prendre en photo un Gille de très près., et ainsi pour voir vous montrer la beauté de ces costumes réservés aux hommes du coin.

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des Gilles d'Elouges, le 2 Mars 2014


D'après ce que j'ai compris, les Gilles c'est THE grosse tradition dans le coin. Ce que mes lectures, pour cet article, m'ont confirmé. Et vu que, visiblement, tout est parti de Binche, c'est cette tradition dont je vais vous parler ! Et par avance je m'excuse auprès des belges si je commets un impair (que je me ferais une joie de rectifier si on me le notifie gentiment ^^), j'apprend ...
Si les Gilles des autres bourgades semblent sortir quelque peu de la tradition originelle en défilant selon le calendrier de leur commune, les Gilles de Binche, eux, n'ont tout simplement pas le droit de montrer leurs beaux atours un autre jour que le Mardi Gras (soit le 4 mars pour cette année). Et le moindre de leur mouvement est soumis à un code strict. Oui, quitte à botter les fesses de l'hiver, autant le faire avec classe !
Le costume est uniquement réservé aux hommes issus de familles binchoises ou résidant à Binche depuis au moins cinq ans. La participation au Carnaval de Binche est régie par des règles strictes. L’Association de Défense du Folklore a d’ailleurs été créée pour promouvoir et sauvegarder la tradition binchoise (il en va de même dans les autres villes : pour être Gille, il faut être né dans le coin ou y vivre depuis un moment).Le costume de Gille est constitué d’une blouse et d’un pantalon en jute ornés de 150 motifs (étoiles, lions et couronnes) en feutrine noire, jaune et rouge. Lors de l’habillage du gille, la blouse est « bourrée » de paille à l’avant et à l’arrière, ornée d’un grelot. A la taille, il porte une ceinture de laine rouge et jaune, montée sur de la toile, appelée « apertintaille » et composée de clochettes de cuivre. Une collerette (ou pèlerine), constituée de rubans plissés, de dentelles ou de franges dorées s’attache autour du cou par-dessus les bosses.
Sur la tête, une « barrette » (bonnet de coton blanc) et un mouchoir de cou (carré plié de coton placé sous le cou et noué sur la tête pour maintenir la barrette) viennent recouvrir l’ensemble des cheveux. Lors du cortège du Mardi Gras après-midi, le Gille porte un majestueux chapeau de plumes d’autruche. Le Gille ne possède pas le costume ni le chapeau. Il les loue chez le louageur, lequel est spécialisé dans la confection et la location du chapeau et du costume. A Binche, on en compte trois, tous issus de la même famille. Aux pieds, le Gille porte des sabots de bois.

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Le petit déjeuner traditionnel du Mardi Gras, chez le louageur :
huîtres et champagne ... 


Le Mardi Gras matin, le Gille porte son célèbre masque pour se rendre à l’Hôtel de Ville. Fabriqué dans l’atelier Pourbaix, il est fait de toile de cire, décoré de lunettes vertes, d’une moustache, d’une petite barbiche et de favoris. En 1985, la Ville de Binche a déposé le modèle auprès de l'Office européen des Brevets afin d’en avoir l'exclusivité: il ne peut donc être porté qu’à Binche et vendu qu’aux Gilles par le biais de leur société.
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Le mardi matin et lors des soumonces en batterie, le Gille tient dans sa main un ramon. Jadis simple balai, le ramon est formé d’un faisceau de baguettes de saule séchées, assemblées par des ligaments en rotin. C’est avec le ramon ou avec le panier (tenu le Mardi Gras après-midi) que le Gille rythme la cadence. Sans oublier les oranges (sanguines) que les Gilles lancent aux badauds (et qu'il vaut mieux ne par leur relancer ...).
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Mais si les atours du Gilles ne sont accessibles qu'à ces messieurs, le Gille est aussi une affaire de femmes. Précisément, de la femme de Gille. Et oui, par ici, le carnaval est une véritable histoire de famille. Si elle reste dans l'ombre de son Gille, la femme de Gille lui est nécessaire. Elle s’occupe de l’élaboration et de la confection des costumes ainsi que des préparatifs en tous genres pour les soumonces (festivités pré-carnavalesques) et le Carnaval. Elle est donc autant actrice que les hommes. De plus les femmes ont un rôle primordiale : éduquer les enfants selon les traditions du Carnaval de Binche, en leur transmettant le rythme de la danse, les comportements admis et interdits, le cérémoniel de l’habillage du gille et  surtout  l’amour des traditions et du rituel carnavalesque.

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La relève est assurée !


Ce qui me fascine le plus, c'est tout le légendaire autour du Gille ... et plutôt qu'un long discours, je me permet de copier ici un passage expliquant cette belle complexité :
« Ni le carnaval ni les Gilles n’ont acquis leurs lettres de noblesse en un jour. Ce n’est qu’à partir des années 1870 environ que le carnaval deviendra un évènement incontournable de la cité binchoise et que le Gille en sera le personnage focal. Bien entendu, l’un et l’autre préexistent.
Commençons par le Gille. Celui-ci n’est, au milieu du XIXe siècle, qu’un personnage parmi d’autres : Paysans, Pierrots de son, Marins, Mousquetaires, Zouaves, etc. Ceux-ci, constitués en sociétés dites « de fantaisie », perdurent encore quelques années ou décennies aux côtés de Gilles de plus en plus nombreux, mais tous disparaissent (pour parfois réapparaître, sous d’autres formes ; c’est le cas des Pierrots, des Paysans et des Arlequins, sociétés actuellement constituées d’élèves des écoles binchoises). « Les comparses obligés des Gilles sont des dominos de toute couleur, d’élégants pierrots et pierrettes. Ceux-ci sont pour ainsi dire chargés de la police de la ville. Aussi se tiennent ils massés à la gare à l’arrivée de chaque train ; et malheur au pauvre voyageur qui n’est ni masqué, ni déguisé, car il doit passer sous leurs fourches caudines. Et après que les vessies soufflées l’ont assourdi et aveuglé, et au moment où il croit pouvoir enfin respirer, il est inondé sous une pluie de son. Les pierrots n’épargnent personne, ni dame, ni enfant, ni gendarme ! Et c’est ainsi que par toute la ville on ne rencontre pas un homme qui ne soit masqué le Mardi gras. » (Léon Baudoux, Les voyageurs, non masqués, reçus à coups de vessie, Le Monde Illustré, 3 mars 1877)
Quant au Mardi gras, disons simplement qu’en 1847, il passait au second plan, alors que l’évènement commercial majeur de l’année, la foire aux Chevaux et Bestiaux, était organisé le même jour (le 16 février).
Dans les années qui suivent, l’ordre des priorités s’inverse et le carnaval du Mardi gras devient incontournable. C’est ainsi qu’un avis de 1894 autorise, pour une ultime année, l’organisation d’un carnaval dans le faubourg Saint-Paul « à cause du tort que semblables fêtes peuvent occasionner au carnaval du Mardi gras ».
Entre 1884 et 1911, des sociétés extérieures sont invitées à participer au carnaval. Il s’agit, dans un premier temps, de promouvoir le carnaval, d’en renforcer l’attractivité. En 1911, il semble néanmoins plus opportun aux Autorités communales de concentrer leurs ressources sur les seules sociétés binchoises. Déjà en 1908, « si de nombreuses sociétés étrangères, disait-on, venaient prendre part à notre carnaval, celui-ci perdrait sa physionomie, ça ne serait plus le carnaval de Binche. Ce sont les sociétés de la ville, et particulièrement les Paysans et surtout les Gilles qui donnent à la fête son caractère particulier et peut-on dire unique. » (Le Binchois, 8 mars 1908)
En 1913, les Gilles du Lundi perdent leurs subsides pour une raison similaire, ce qui va favoriser le Mardi gras. Le carnaval obtiendra dès lors très vite une reconnaissance à l’échelle nationale.
En 1920, toutes les manifestations carnavalesques belges sont interdites par circulaire ministérielle : « On doit à la mémoire des morts pour la Patrie, on doit aux familles qui les pleurent et portent encore le deuil, de ne pas se laisser aller à des manifestations d’une gaîté bruyante et déplacée. » Exception faite pour le carnaval de Binche « rétabli cette année [1920] avec la permission des autorités, en raison de la renommée universelle dont jouissent ces festivités. » (T’Avau Binche, 19 mai 1973) Le carnaval de 1920 a bien lieu, même si à peine 21 Gilles peuvent y prendre part, un échauffement en quelque sorte, le Mardi gras reprenant son faste d’avant-guerre dès l’année suivante.
BOTTELDOORN, Émilie, VANDERHAEGEN, Éliane. Le Gille sens dessus dessous. Binche : Musée international du Carnaval et du Masque, 2013, p.20-25

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Affiche du carnaval © Ville de Binche


Mais le Carnaval de Binche, ce n'est évidemment pas que les Gilles. Ni même pour les autres villes. Comme un peu partout où le carnaval est une fête, c'est avant tout un moment bien trouvé pour s'amuser et se déguiser, pour être ce que nous ne sommes pas le reste de l'année.
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Et vous, vous faites quoi quand c'est la saison du carnaval ?
PS : toutes les photos viennent du site http://www.carnavaldebinche.be/ sauf la première, prise sur un site d'information local, et la deuxième, prise par moi-même.

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