Tout d’abord, il ne faut pas mal interpréter le titre : non, ce n’est pas un roman gore ni un thriller ésotérique. Par sang des morts, je parle des liens, qui nous concernent tous, que nous avons avec ceux qui nous ont précédés, qui nous ont fait. Walter Kinderf, un des personnages du roman, l’explique bien : « Il regarda fixement ce sang qui ruisselait, pensant que c’était le même que celui qui coulait dans les veines de son père quand il était encore vivant. Oui, pensa-t-il encore, le sang des morts coule toujours dans les veines de ceux qui leur ont survécus. »
J’ai essayé de faire en sorte que mon thriller, de par sa structure, s’articule comme un roman choral, dans le sens où il fait intervenir de nombreux personnages dont les destins (comme les trames d’un tissu) se rejoignent au final. Et cela à l’aide de chapitres courts et rapides, en m’attachant à ce que le suspens soit omniprésent, poussant ainsi le lecteur à tourner les pages pour en savoir toujours davantage sur le(s) intrigue(s) en cours. Mais l’important est que tous les personnages aient de la chair, même les plus secondaires. Que tous aient une histoire et ne soient pas des fantômes utiles passant sur le chemin du récit. D’ailleurs, il n’y a pas à proprement parler de héros, si ce n’est peut-être Stan Delorme, jeune policier en quête de sens qui sert de fil rouge. Tous ces personnages ont quelque part en eux une fêlure, plus ou moins cicatrisée, tous cherchent un avenir meilleur, comme ce quinquagénaire rmiste, qui, obligé de tailler de nouvelles semelles pour ses chaussures dans un vieux pneu, peut entrevoir un futur heureux en la personne d’une dessinatrice occasionnelle de portraits robots, elle étant de son côté une fraîche veuve en reconstruction. Dans cette galerie humaine, il y a aussi Félicien Faderne, un ingénieur informaticien très doué souffrant de tocs, voyant sa vie bien rangée bouleversée par une tueuse nommée Anne Dixon venue le protéger, Margot Farges, l’épouse d’un homme d’affaires Franck Farges aux affaires pas très claires, le commissaire Vignes qui, la nuit venue, s’enferme à double tour dans son bureau, sa femme agoraphobe vivant recluse depuis des années dans la cave aménagée de leur maison, etc., etc.
Ne pas négliger l’humour aussi, une certaine légèreté : je ne suis pas là pour pontifier ou pour ajouter du macabre au macabre. Et de la tendresse aussi : tous ces gens en ont besoin, au moins d’une infime part, leur quotidien étant si dur, si banal…
En ce qui concerne le lieu où se déroule l’histoire, j’ai, depuis un certain temps, voulu éviter de situer mes romans dans des villes existantes. Cette fois, j’ai inventé Vernais, petite ville balnéaire que l’on imagine dans le Sud, au bord de la Méditerranée : cela me permet de créer peu à peu un environnement, des rues, des parcs, des bistrots, où se mêlent les souvenirs de villes que j’ai visitées, villes où habituellement il ne se passe pas grand-chose, et qui pourrait bien abriter, en ce qui concerne celle-ci, un tueur en série – toujours lointain mais en restant tout de même omniprésent comme une ombre menaçante planant au-dessus de la ville. Car on peut dire en effet que l’Enfer s’est invité dans Vernais, laissant derrière lui une piste semée de morts violentes.
Alors, pour conclure, où se trouve le monstre ? S’en tirera-t-il ? Ou bien le hasard armé se chargera-t-il de le punir ? Et quel sera le destin de tous ces personnages, grands ou petits, sympathiques ou haïssables ? Au lecteur de le découvrir.