Lorsque l’État se mêle de faire de l’informatique, ce n’est généralement pas bon signe. Et récemment, les révélations d’Edward Snowden ont amené leur lot de stupéfiantes découvertes, comme le fait que la NSA envisage d’infecter des millions de machines avec des virus sophistiqués. Le monde a lentement fini par prendre conscience de l’ampleur des moyens mis en place pour l’espionner, plaçant chaque citoyen devant ses responsabilités d’électeur qui, à force d’avoir choisi une sécurité de plus en plus débridée, se retrouve dans une jolie cage dorée scrutée par des milliers d’invasives caméras.
Heureusement, ce tableau par nature orwellien n’est pas totalement noir. Il subsiste de forts espoirs que la puissance de calcul mise à disposition des États ne soit pas suffisamment bien employée, ou que, comme à leur habitude, les États se prennent les pieds dans le tapis et se gamellent mollement sous les applaudissements.
Optimiste, moi ?
Certainement un peu, mais parier sur une contre-performance des États en général et de l’État français en particulier n’est pas une prise de risque très élevée en réalité. Et en ce qui concerne l’informatique, on a tout de même quelques pistes sérieuses de la direction générale prise par les autorités françaises, ainsi qu’un historique déjà étoffé des magnifiques plantages qu’ils nous ont offerts (avec nos sous). Je passerais pudiquement sur le cas épineux de Bull qui constituerait sans problème le sujet de plusieurs billets, ne serait-ce que par sa gestion consternante du progiciel étatique Chorus, qui a explosé en vol en juin dernier suite à un enchaînement ridicule de circonstances et n’a pu être remis en service que plusieurs jours plus tard là où, vu le niveau de criticité du progiciel, on se serait attendu à avoir des installations un tantinet plus résilientes. Ceci posé, je m’attarderai plutôt sur quelques récentes affaires qui montrent toute l’ampleur de l’incompétence étatique dans le domaine.
Bien sûr, il y a eu Louvois.
Autrement dit, ce magnifique plantage informatique en dit certainement bien plus long sur la capacité de l’armée française à se moderniser que sur la capacité du prestataire à fournir un programme idoine. La leçon aura donc coûté plus de 450 millions d’euros au contribuable français (qu’il remboursera en PV routiers, en fiscalité explosive et autres taxes rigolotes, ne vous inquiétez pas).
Du reste, on retrouve sensiblement le même problème dans une autre administration, avec un autre programme informatique, ce qui continue à prouver que l’informatique et l’administration étatique, ce n’est pas vraiment ça : alors que Louvois est en analyse post-mortem, le gouvernement a choisi d’abandonner le logiciel de paye des fonctionnaires destiné à centraliser les salaires de toute l’administration française. Le gouvernement, après avoir lancé un audit pour évaluer l’état d’avancement du projet, a décidé d’arrêter les frais, dont le total avoisinait les 290 millions d’euros. Joli fail.
Pour le moment, ces deux petits projets, normalement conçus dans le cadre de la modernisation des infrastructures des administrations françaises (militaires et publiques) ont coûté la bagatelle de 750 millions d’euros, qui ont donc été brûlés en pure perte ou quasiment. Mais tout ceci n’est finalement qu’une de ces péripéties habituelles qui font le charme tout particulier de la vie en France. Après tout, d’autres administrations dans d’autres pays offrent aussi un spectacle pathétique d’implémentation informatique farfelue. La mise en place de l’Obamacare est un vrai poème à ce titre.
On pourrait donc croire que tout ceci n’est que, comme le disent justement les Américain, « business as usual ». Il n’en est rien : on peut toujours faire plus fort, plus rigolo, plus périplaquiste que ça encore et pour cela, il suffit de faire intervenir nos fiers branquignoles maroquinés, Fleur Pellerin ou Arnaud Montebourg par exemple. Et rien de tel qu’une grosse acquisition capitalistique pour pimenter un peu l’action, comme c’est actuellement le cas avec Vivendi qui tente de se débarrasser de SFR.
Bouygues et Numéricable se sont portés acquéreur, et immédiatement, Montebourg s’est montré particulièrement favorable au rachat de SFR par Bouygues et l’a bruyamment fait savoir au point de diffuser sur les ondes des informations boursières jusqu’alors confidentielles. Nous sommes en France, tout ceci n’est pas louche, tout ceci est normal et le ministre n’aura pas à répondre du yoyo boursier des cours de Free, SFR et Bouygues à la suite de son intervention. Manque de pot ou talent naturel de Montebourg pour choisir systématiquement le mauvais cheval, c’est bel et bien Numéricable qui est finalement choisi. Pour Montebourg, c’est donc un fail.
Or, comme le fait judicieusement remarquer Bluetouff sur Reflets.info, parmi les entités contrôlées par SFR, on trouve Numergy dont j’avais déjà copieusement parlé ici même. Numergy, c’est ce « cloud » construit pour s’assurer que les données qui y sont stockées ne tombent pas dans le giron de l’une de ces abominables boîtes étrangères (américaine notamment). Numergy, c’est ce bricolage à base de copieuses subventions publiques, dans lequel on trouve SFR, l’inaltérable Caisse des Dépôts et Consignations, et … Bull, dont j’ai déjà parlé plus haut. Numergy, c’est la version « cloudàlafrançaise », avec tout ce qu’il faut de bon capitalisme de connivence pour réjouir les petits contribuables et les grandes entreprises d’État. Miam.
Et Numergy, une fois le rachat par Numericable entériné, ce sera le cloud détenu par un câblo-opérateur luxembourgeois, le groupe américain Carlyle, et l’anglais Cinven. Du vrai bon cloud bien français, on le comprend. Cela sent le petit fail des familles.
Mais comme je le notais en début d’article, il faut savoir rester optimiste et voir le bon côté de ces échecs répétés.
De façon manifeste, l’État a toutes les peines du monde à gérer son informatique. Entre les contrats douteux d’infogérance qui se retournent contre lui, les projets pharaoniques dans leurs buts, babylonesques dans leurs budgets et micrométriques dans leurs résultats, on dispose maintenant d’un bon recul pour affirmer sans trop de risque que le merdoiement général qui entache déjà tous les domaines de la société civile dans lequel l’État met les doigts s’étend aussi dans l’informatique. Le plus beau, c’est que malgré ces échecs répétés, certains continuent toujours de placer dans l’État des espoirs aussi chimériques que coûteux.
Et lorsqu’on nous dit que l’État est capable de tout écouter, tout espionner au moyen de ses oreilles toujours plus fines, toujours plus grandes et toujours plus précises, on peut aussi constater qu’il n’est même pas capable de développer ou faire construire un logiciel de gestion décent pour sa propre administration, là où, pourtant, des entreprises du privé employant des centaines de milliers de personnes (Walmart, Microsoft, IBM, etc…) ont montré qu’un tel défi est parfaitement relevable.
À l’évidence, l’État est passé, depuis longtemps, en mode glouton. Il dévore nos finances, il prétend tout écouter, tout le temps, partout, mais il semble assez infoutu (au moins pour le moment) de savoir quoi faire avec ce qu’il récolte. C’est un idiot savant, c’est-à-dire qu’il dispose d’une mémoire prodigieuse, très profonde, mais extrêmement étroite qu’il lui est difficile de mettre en pratique.
Et objectivement, tant mieux.
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