Au long des jours et des ans,Je chante, je chante.La chanson que je me chanteElle est triste et gaie:La vieille peine y souritEt la joie y pleure.C’est la joie ivre et navréeDes rameaux coupés,Des rameaux en feuilles neuvesQui ont chu dans l’eau;C’est la danse du floconQui tournoie et tombe,Remonte, rêve et s’abîmeAu désert de neige;C’est, dans un jardin d’été.Le rire en pleurs d’un aveugleQui titube dans les fleurs;C’est une rumeur de fêteOu des Jeux d’enfantsQu’on entend du cimetière.C’est la chanson pour toujours,Poignante et légère,Qu’étreint mais n’étrangle pasL’âpre loi du monde;C’est la détresse éternelle,C’est la voluptéD’aller comme un pèlerinPlein de mort et plein d’amour!Plein de mort et plein d’amour,Je chante, je chante!C’est ma chance et ma richesseD’avoir dans mon coeurToujours brûlant et fidèleEt prêt à jaillir;Ce blanc rayon qui poudroieSur toute souffrance;Ce cri de miséricordeSur chaque bonheur.Quelques traces de craie dans le ciel, Anthologie poétique francophone du XXe siècle