Les raids de la semaine dernière sur une chaîne de télévision algérienne et sa fermeture mercredi dernier sont un signe inquiétant pour la liberté d'expression, à la veille de l'élection présidentielle du mois prochain, a déclaré Amnesty International.
Al Atlas TV a fait l'objet de trois descentes des forces de sécurité cette semaine et a été contrainte d'interrompre ses émissions le 12 mars 2014. Cette chaîne avait couvert l'arrestation de dizaines de manifestants pacifiques lors des manifestations pré-électorales de la semaine dernière, et avait critiqué l'intention du président Abdelaziz Bouteflika de briguer un quatrième mandat présidentiel.
Amnesty International craint qu'Al Atlas TV n'ait été sanctionnée pour la couverture de ces événements et ses critiques envers les autorités. L'organisation appelle les autorités à permettre la réouverture de cette chaîne et à s'abstenir de fermer arbitrairement d'autres médias.
Dans l'après-midi du 11 mars, neuf gendarmes en civil ont opéré une descente au siège d’Al Atlas, à Birkhadem, près d’Alger. Les employés ont dit à Amnesty International que les gendarmes avaient fouillé les bureaux pendant quatre heures, empêché le personnel de quitter les lieux, et confisqué des dizaines de caméras vidéo et d'enregistreurs audio. Le même après-midi, les gendarmes auraient également pillé les studios de la chaîne à Baba Ali, au sud de la capitale, où ils ont saisi du matériel avant de placer les lieux sous scellés.
Le 12 mars, les diffusions d'Al Atlas TV ont été interrompues sans préavis. Dans l'après-midi, le siège de la chaîne a subi une nouvelle descente de dizaines de gendarmes qui se sont emparés de matériel informatique et d'enregistrement, notamment des téléphones et des ordinateurs portables personnels appartenant à des journalistes et à des techniciens. Les gendarmes ont fait irruption dans les locaux une fois de plus le lendemain, confisqué d'autres équipements électroniques et coupé les communications Internet.
Le journaliste Hafnaoui Ghoul, directeur de la rédaction, a été arrêté le 1er mars à Alger pour sa participation à des manifestations pacifiques contre la candidature du président Bouteflika pour un quatrième mandat, avant d'être libéré le jour même. Il avait déjà été emprisonné pendant six mois en 2004 pour avoir prétendument diffamé les autorités locales à Djefla, où il était membre de la section locale de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH). À l’époque, Amnesty International l’avait adopté comme prisonnier d’opinion.
La législation algérienne n'autorise actuellement que les chaînes de télévision nationales contrôlées par l'État. Les chaînes de télévision privées algériennes ont contourné cette interdiction par une diffusion satellitaire depuis l'étranger. Ainsi, Al Atlas TV réalise des sujets en Algérie, mais émet depuis la Jordanie. Cette situation a été généralement tolérée depuis 2011 et, dans certains cas, les chaînes privées ont reçu des licences temporaires du ministère des Communications. Selon les avocats du journal, ces licences peuvent être révoquées à tout moment, sans possibilité d'appel. Al Atlas TV aurait reçu une licence en 2013 et, après sa demande de prolongation pour 2014, aurait été informée que ce renouvellement n'était pas nécessaire, étant donné qu'une nouvelle loi sur l'audiovisuel touchant aux chaînes privées allait bientôt entrer en vigueur. La loi a été adoptée par le Parlement et le Sénat algérien en janvier, mais n'a pas encore été promulguée.
Amnesty International appelle le gouvernement algérien à ne pas imposer indûment de limitation des droits aux libertés d’expression et de réunion, conformément à ses obligations au regard du droit international. En ce qui concerne les chaînes de télévision, l'organisation demande instamment aux autorités de ne pas restreindre arbitrairement la libre circulation de l'information, et de veiller à ce que tout processus mis en place pour l'octroi de licences ou l'enregistrement des stations de télévision privées soit juste, transparent et respectueux de la liberté d'expression, conformément à l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l'article 9 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
Amnesty International