Michael Subotzky & Patrick Waterhouse, Ponte City, 2008-2013 © Magnum Photos
175 m de haut et 54 étages. Construite en 1975 au cœur de Johannesburg, la tour de Ponte City est symbole de modernité. Dans les années 90, régie par les gangs et les dealers, elle est petit à petit délaissée. Un projet de rénovation – notamment en prévision de la coupe du monde 2010 – est mis en place en 2007 par des promoteurs immobiliers. Les habitants commencent à être délogés, mais le projet s’effondre en 2008 avec la crise financière, et une nouvelle phase de marginalisation commence.
Ponte City est toujours un symbole, mais plus ou moins reluisant selon les époques. Symbole de la prospérité blanche pendant l’apartheid, elle sera celui du crime et des guerres de gangs après la fin de la ségrégation raciale. Au fur et à mesure de l’abandon du bâtiment, l’équivalent de cinq étages de débris vient s’empiler dans la cour centrale. Le mot d’architecture semble souvent accompagner celui d’utopie, et les espoirs qui ont pu être attachés à Ponte City en témoignent. Le travail de Mikhael Subotzky et Patrick Waterhouse souligne cette traversée du temps. En un mot, les photos pointent du doigt une utopie qui tourne au vinaigre.
Puisque le travail des artistes commence en 2008, les clichés ne confrontent pas à proprement parler grandeur et décadence d’un rêve architectural. À cette époque, la structure est déjà l’équivalent d’une ville fantôme. C’est donc bien, à la recherche des morceaux de vie restants, que partent les photographes. Nombreux sont les habitants déjà délogés, alors que d’autres s’accrochent tant bien que mal, entassés dans des appartements dépouillés de leur mobilier. La balance semble osciller constamment entre désir d’exil, sentiment d’appartenance au lieu, ou encore résignation.
Mikhael Subotzky & Patrick Waterhouse, 'Ponte City', 2008-2013 / © Magnum Photos
L’intérêt de l’exposition est qu’elle confronte plusieurs points de vue – photos depuis l’extérieur, depuis l’intérieur, galerie de portraits des derniers occupants, visite détaillée des étages. Interviews, coupures de presse et lettres manuscrites évoquent tour à tour aussi bien le projet urbain que la vie quotidienne des occupants et des problématiques liées à l’immigration. Une grande partie du travail tourne autour des habitants, mais il s’attache aussi à décrire précisément l’ossature du bâtiment. Au milieu des clichés se retrouvent quelques plans. Travail en série et répétition des photos proposent un véritable documentaire sur le lieu, aussi bien architectural que social.
Mikhael Subotzky & Patrick Waterhouse, 'Ponte City', 2008-2013 / © Magnum Photos
Certaines images restent en tête. Quelques clichés à la Metropolis, notamment celui de l’affiche de l’exposition, donnent le vertige. La cour circulaire centrale, fermée de toute part et dont seule l’ouverture du toit laisse filtrer la lumière, donne le tournis. Quelques images de synthèse présentent des idées d’aménagement, mais malgré la promesse de chaleur que tentent d’introduire ces projets de rénovation, Ponte City semble rester immanquablement un puits de béton.
L’éclairage est souvent gênant, les coupures de journaux non datées et trop basses pour être lues confortablement exaspèrent un peu, mais quelques beaux clichés et le documentaire sur cette tour de Babel moderne valent le détour.
Jusqu’au 20 avril 2014.
LE BAL
6, Impasse de la Défense
75018 – Paris
Métro Place de Clichy.
Mercredi/vendredi 12h-20h
Samedi 11h-20h
Dimanche 11h-19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
5 € tarif plein / 4 € tarif réduit