Entretien avec le pianiste virtuose David Kadouch. Le concerto n°2 pour piano et orchestre de Camille Saint-Saëns op.22.

Publié le 18 mars 2014 par Luc-Henri Roger @munichandco

Le jeune pianiste français David Kadouch interprète pour trois concerts bavarois le Concerto n°2 pour piano de Camille  Saint-Saëns (op.22) avec le Münchner Symphoniker placé sous la direction de son nouveau chef Kevin John Edusei. David Kadouch a accordé un entretien à Munichandco.
Munichandco Bonjour David Kadouch. Vous vous produisez pour deux concerts au Prinzregententheater dans le deuxième concerto pour piano de Saint-Saëns. Pourquoi avoir choisi d'interpréter précisément ce concerto? Qu'est-ce que vous appréciez dans cette composition ? Quels défis ce concerto représente-t-il pour un pianiste ?
David Kadouch J’ai choisi ce concerto de Saint-Saëns parce que, d’une part, c’est une œuvre que j’ai déjà jouée plusieurs fois, et, d’autre part, parce que c’est un concerto que j’affectionne tout particulièrement. Ce qui me frappe dans cette composition, c’est l’immédiateté des sentiments évoqués, leur force aussi. On est loin d’une certaine vision caricaturale de la musique française « légère et parfois académique». Même si l’œuvre n’est évidemment pas expressionniste ni même violente, le solennel du 1er mouvement, l’allégresse du 2ème puis la fête du 3ème, illustrent un grand éventail de sentiments et de situations, ce que je trouve totalement jouissif pour l’interprète mais aussi, je pense, pour le public. Les défis du concerto sont nombreux: tout d’abord les notes, les gammes, les arpèges à foison, mais aussi la rapidité des changements d’humeur, de rythme et d’articulations. Ou bien les dialogues avec l’orchestre, ou encore la cohérence générale de l’ensemble. 
Munichandco Les plus grand interprètes ont joué ce concerto. Y a-t-il dans l'histoire de l'interprétation de ce concerto des interprétations qui vous paraissent plus remarquables ? Vous inscrivez-vous dans une lignée par rapport à l'un ou l'autre de ces pianistes ? 
David Kadouch J’aime beaucoup la version célèbre d’Arthur Rubinstein, enregistré lorsqu’il était âgé déjà, mais si alerte au fond. La version qu’en fait la pianiste française Brigitte Engerer est aussi une très belle version. Je ne sais pas dans quelle lignée je m’inscris, j’espère honorer ces grands pianistes bien sûr, mais surtout et avant tout cette si belle partition. 
Munichandco La forme du concerto peut paraître surprenante, l'ordre traditionnel des mouvements est inversé (lent-rapide-très rapide contre rapide-lent-rapide). Qu'est-ce que cette forme évoque pour vous et cette forme est-elle importante dans vos choix d'interprétation ? 
David Kadouch L’ordre traditionnel est certes quelque peu malmené dans ce concerto et rappelle d’emblée plus une symphonie qu’un concerto. On dit souvent de ce concerto aussi, qu’il commence comme Bach et finit comme Offenbach ou encore qu’il commence dans une cathédrale et finit dans un bordel… Bien entendu, mes choix d’interprétation s’adaptent à cet ordre, et on y décèle même un certain humour : de faire enchaîner à ce 1er mouvement grandiloquent un 2ème mouvement aussi léger qu’une bulle de champagne… 
Munichandco Il y a beaucoup d'allégresse, de joie, dans ce concerto, on a l'impression d'un éveil printanier, d'une grande luminosité. Les premières notes du premier mouvement émanent pourtant d'un piano plus sombre et dramatique et cette atmosphère lui donne une densité qu'on ressent à nouveau fortement à la fin du mouvement. Comment interprétez-vous cela ? En avez-vous une lecture particulière ? 
David Kadouch Le 1er mouvement est un monde fermé, dramatique, sombre. La cadence d’introduction rappelant les improvisations pour orgue est d’une telle densité qu’elle contrebalance toute la légèreté du 2ème et 3ème mouvement du concerto. Le fait qu’elle soit rejouée à la fin du mouvement contribue aussi à en faire un monde fermé, un cycle. J’aime beaucoup commencer ce concerto, cette grande déclamation du piano, cette liberté, j’y prends énormément de plaisir. Quand elle revient à la fin, presque murmurée, c’est un moment très spécial pour moi. Qu’est ce qu’il se passe entre ces 2 moments, c’est ce que j’essaie de comprendre et de faire comprendre à chaque fois que je joue ce concerto. 
Munichandco Le Münchner Symphoniker a un nouveau chef en la personne de Kevin John Edusei. Aviez-vous déjà eu l'occasion de travailler avec lui ou avec l'orchestre auparavant ? Comment se déroule le travail avec l'orchestre et son chef ? Qu'est-ce que vous appréciez dans ce travail ? 
David Kadouch Je n’avais jamais travaillé avec le merveilleux K.J. Edusei ni avec le Münchner Symphoniker. Ce qui change tout d’abord, c’est les nombreuses répétitions dont nous avons disposé, ce qui n’est pas toujours le cas. Le niveau d’excellence de l’orchestre qui arrive à la première répétition comme pour un concert. Leur écoute et leur discipline aussi. Ce que j’ai apprécié en outre c’est la « jeunesse »du chef, il n’avait pas d’idées préconçues sur cette musique, il n’était pas blasé, il était ouvert à mes propositions, et je me suis senti tout de suite à l’aise avec lui. 
Munichandco Pouvez-vous nous dire un mot sur les qualités acoustiques du Prinzregententheater et de l'Herkulessaal, les deux salles de concert munichoises dans lesquelles vous vous produisez? Comment ressentez-vous ces salles au niveau musical ? 
David Kadouch Je me suis produis ce dimanche au Prinzregententheater, et j’ai beaucoup aimé le lieu, le public y est très chaleureux, il tape du pied lorsqu’il applaudit, le silence y est de qualité et l’acoustique et le piano sont vraiment de qualité. Quant à l’Herkulessaal ce sera une première pour moi, même si bien entendu je l’avais déjà visité et admiré. 
Munichandco Vous avez déjà eu l'occasion de vous produire devant le public munichois. Comment ressentez-vous l'accueil de ce public, comment se déroule la communication avec le public? 
David Kadouch Le public de Munich est un public très cultivé, qui connaît les œuvres. Cela fait peur parfois bien sûr, mais c’est aussi extrêmement gratifiant d’avoir un public de connaisseurs. La concentration, le silence y sont plus grands, le « présent » y est plus spécial. 
Munichandco Pour terminer, pourriez-vous évoquer votre parcours actuel. Quels sont vos passions et les défis que vous souhaitez relever ? Vous avez enregistré successivement Schumann (notamment le Concerto sans orchestre en 2011) et Moussorgski (Les tableaux d'une exposition en 2012). Pourrons-nous vous écouter bientôt dans de nouveaux enregistrements ? 
David Kadouch J’ai un projet d’enregistrement pour août de cette année, toujours chez Mirare, avec un programme assez complexe mais une ligne directrice qui relie toutes ces oeuvres. Le disque est en crise, certes, mais cela ne m’empêchera pas je l’espère d’enregistrer ce qu’il me plaît…
Munichandco Merci, David Kadouch, d'avoir accepté de participer à cet entretien et de nous avoir communiqué votre enthousiasme pour ce concerto pour piano de Camille Saint-Saëns.
Agenda
Le troisième concert bavarois du Münchner Symphoniker et du pianiste David Kadouch aura lieu ce mercredi 19 mars à 20 heures à l'Herkulessaal de Munich. Queques places restantes: cliquer ici