Après une année 2012 marquée par un recul d’activité et une érosion de la rentabilité, l’optimisation des réseaux est au cĹ“ur des préoccupations. Une étude Sia Partners menée sur un panel représentatif de 8 banques françaises constate[1] une inflexion à la baisse du nombre d’agences sur l’exercice 2012 (-0,5%). Une tendance confirmée par les statistiques de la Banque Centrale Européenne qui estime que les réseaux français ont perdu plus de 1 100 agences depuis 2008 (-2,8%).
Si les fermetures d’agences paraissent sélectives pour le moment, faut-il néanmoins anticiper un réajustement significatif des réseaux ? Quelle place réserver à l’agence dans la distribution bancaire de demain ? Quelle sont les opportunités de rénovation des réseaux traditionnels?
Un essoufflement du modèle bancaire
Notre étude souligne que le PNB des réseaux français des banques observées s’est replié de 3,2% sur l’année 2012, impactant la quasi-totalité des acteurs. Cette contraction, certes à nuancer par un contexte macro-économique morose et l’un des taux de bancarisation les plus élevés d’Europe, traduit la difficulté à trouver de nouveaux relais de croissance pour l’industrie de la banque de détail en France. Le modèle de revenu des institutions bancaires est en effet affecté, tant par le ralentissement de l’épargne financière que par les contraintes réglementaires accrues. L’élargissement du catalogue d’offres, démultiplié par les mouvements de spécialisation par segment de clientèle, ne suffit plus à stimuler des consommateurs de plus en plus avertis et équipés.
La rentabilité est elle-même affaiblie par l’augmentation du coĂťt du risque et la pression sur les prix (-2,9[2] points en 2012 sur le panel d’étude). Désormais dans un contexte de ralentissement de l’activité, et face aux chantiers incontournables de modernisation des outils et d’intégration des nouvelles exigences réglementaires, les réseaux doivent agir sur les leviers d’efficacité opérationnelle et d’agilité de leur organisation pour préserver leur rentabilité.
Des clients défiants envers l’industrie bancaire ‌ mais qui plébiscitent la banque de proximité et expriment une forte attente de conseil
Le rôle de certains établissements financiers dans le déclenchement de la crise pèse encore sur les réseaux de détail qui doivent redoubler d’efforts pour faire oublier les dérives systémiques des marchés internationaux et valoriser le rôle des banques dans le développement du tissu économique local : les dépôts des clients particuliers contribuent, via les crédits accordés, au financement de l’économie et donc à la santé de leur environnement local.
Paradoxalement, malgré cette défiance envers l’industrie bancaire, les français restent attachés à la relation avec leur banquier. Si les chiffres de la fréquentation des agences sont en net repli (1 client sur 2 se rendait plus d’une fois par mois en agence en 2010, ils sont moins de 1 client sur 5 à maintenir ce rythme en 2013)[3], ils ne doivent pas être interprétés comme une prise de distance mais comme un recentrage des clients sur les moments à véritable valeur ajoutée (comme lors de l’octroi de crédit ou de placements) ou pour du service après-vente. Les opérations courantes (retrait et dépôt, virements, consultation de compte) étant réalisées de façon croissante via les outils de banque en ligne.
La banque de demain doit donc s’attacher à clarifier son fonctionnement et sa mission de soutien à l’économie, à renforçer l’écoute et l’accompagnement conseil dans les temps forts de la relation client, et à simplifier la gestion courante pour développer l’autonomie des « usagers ».
Si l’essor des nouveaux canaux web et mobile ouvre de nouvelles perspectives de consommation bancaires et permet d’envisager de nouveaux schémas de distribution plus rentables, l’enjeu de cette transition vers la banque multicanal est de préserver la proximité client et d’améliorer la qualité de service. Dans cette finalité, l’agence s’impose comme un pivot incontournable.
La transformation des agences bancaires ouvre de nombreuses opportunités
La diversification des formats d’agences, l’ancrage local et l’intégration des différents canaux forment des axes de transformation prioritaires des réseaux.
Afin de préserver une couverture optimale du territoire tout en optimisant les moyens de distribution, les formats d’agences sont appelés à se différencier pour mieux s’intégrer à leur environnement d’implantation et à la diversité des besoins bancaires : mégastores urbains (ex : CA Store), relais commerçants et conseillers itinérants en zone rurale (ex : compte nickel), kiosques automatisés pour les opérations de gestion ou pôle conseil spécialisé (ex : la maison des entrepreneurs BNPP). Au sein même d’un point de vente, les parcours clients sont repensés et l’espace compartimenté pour renforcer l’autonomie dans les actes de gestion et le conseil à la demande (libre-service « assisté »).
La rénovation de l’image client est portée par le développement d’initiatives locales (ex : fêtes des voisins BNPP), l’adaptation de l’offre de services et des modalités d’accueil pour mieux s’ajuster aux modes de consommation actuels (plages horaires élargies, accessibilité des conseillers via les réseaux sociaux, intégration des nouvelles technologies en agence etc.) ou encore par la mise en avant des offres sociales et solidaires.
Enfin l’articulation des agences avec les canaux web et mobile est déterminante pour unifier les parcours d’achats et accompagner les clients dans l’appropriation des nouveaux services en ligne. Dans cette finalité, les agences jouent un rôle de premier plan et se positionnent en prescripteurs des canaux émergeants vis-à-vis des clients.
Ce reformatage des réseaux doit permettre de concilier la réponse aux attentes clients avec une amélioration de la performance opérationnelle. Dans cette transformation, l’accompagnement des collaborateurs est un facteur clé de succès. Il implique notamment la revue des mécanismes d’animation -en particulier d’objectivation- pour orienter le développement commercial vers une approche plus qualitative et plus collaborative, ainsi que la formation des conseillers aux nouvelles technologies et aux nouvelles offres.
2014 s’annonce comme une année charnière où le reengineering des réseaux se présente comme une opportunité de redynamiser l’activité en repensant ses fondamentaux afin de répondre aux enjeux de croissance et de rentabilité.
Les initiatives commencent à poindre, et ne feront probablement que s’accélérer. Dans cette course de vitesse, le premier acteur à prendre de profondes mesures de transformation prendra un avantage concurrentiel dans cette nécessaire mutation.
[1] : Caisses d’Epargne, Banques Populaires, Crédit Mutuel, Crédit Agricole, LCL, BNPP, Société Générale et Boursorama
[2] : Ratio Résultat Net avant Impôt / PNB
[3] : ISPSOS / FBF
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