(© Richard LEJEUNE)
J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres.
Dans le bureau de mon grand-père, il y en avait partout ; défense était faite de les épousseter sauf une fois l'an, avant la rentrée d'octobre. Je ne savais pas encore lire que je les révérais, ces pierres levées : droites ou penchées, serrées comme des briques sur les rayons de la bibliothèque ou noblement espacées en allées de menhirs ...
Jean-Paul SARTRE
Les Mots
Paris, Gallimard, Collection Folio
p. 37 de mon édition de 1972
Je me plais à imaginer que cette confidence de Sartre pourrait cousiner avec cette autre, prêtée à l'immense Victor Hugo : J'ai passé mon enfance à plat ventre sur les livres ...
Sans hésitation aucune, à propos de l'un comme à propos de l'autre, j'oserais ponctuer d'un : moi également !
Et dénué de toute modestie, compléterais alors l'assertion hugolienne par :
..., "mon adolescence, assis, pour en prendre notes et tout mon âge de raison, débout, pour les enseigner."
N'envisagez-vous pas comme quelque peu réductrice une vie ainsi résumée à trois positions anatomo-physiologiques ?
Et si vous considériez que celée, latente, existait déjà, en un arrière-monde personnel, une philosophie de vie ?
Au début d'un récent ouvrage dans lequel John Gerassi, Professeur de Sciences politiques à l'Université Queens College de New York livre la quintessence de quelques-unes des dizaines d'heures de conversations qu'il eut avec Jean-Paul Sartre, - à nouveau lui -, entre novembre 1970 et novembre 1974 - (Entretiens avec Sartre, Paris, Grasset, 2011) -, le philosophe français s'exprime sur le "lire" et l' "écrire".
J'y épingle ceci, p. 45 :L'écriture a beau être un acte solitaire, elle suppose la solidarité car elle répond à la société dans laquelle nous vivons
Et cette société, - Sartre était je pense loin de s'en douter -, évolue à présent au sein d'un univers informatisé. De sorte que le concept de solidarité est devenu, grâce à Internet, aussi celui du partage des connaissances.
Passeur de mémoire, Ouvreur de chemins, Allumeur d'étincelles, voici trois des appellations qui me furent souvent attribuées ; et que traduit en partie ce célèbre tableau de Vincent Van Gogh, Le Pont du Carrousel et le Louvre,
que j'ai choisi en tant qu'avatar informatique pour interpréter par l'image la volonté qui fut mienne trente-cinq années durant d'entraîner ceux qui m'étaient confiés à franchir le pont qui, partant de la rive d'une certaine méconnaissance, abordait à celle d'une meilleure connaissance.
Le pont qui menait du point d'interrogation à celui d'exclamation.
Puis 2008 vint. Avec son 18 marsQui, dans les mémoires, n'aurait dû que banalement succéder au 17, et, truisme suprême, précéder un 19, mêmement insignifiant.
Qu'eût-il pu avoir de supérieur aux autres, en vérité, ce 18 mars-là, si ce n'est qu'il m'offrit, judicieusement parrainé, il est vrai, par Louvre-passion, l'opportunité de timidement entamer sur Overblog la publication de ce qui, six années plus tard, jour pour jour exactement, prendrait la forme, mutatis mutandis, d'un "Grand Oeuvre" ?
Rassurez-vous, nul secret d'alchimiste, dans "mon Grand Oeuvre" : uniquement à ma disposition un somptueux athanor duquel retirer mes modestes "pierres philosophales" : le Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre ...
Ce projet devenu belle réalité - appelons-le EgyptoMusée pour paraître moins présomptueux ! - que j'avais alors dédié à mon Petit Prince qui venait de naître quelques mois auparavant, n'est viable, soyez-en conscients, amis visiteurs que par VOTRE fidélité à lire les différentes interventions qui se sont ici succédé depuis ; que par VOS commentaires ; que par VOS questionnements.
Que par VOTRE apport d'idées ou d'hypothèses nouvelles, également, - ce dont j'avais rêvé dès les premiers instants et qui vient de magnifiquement se concrétiser par les échanges pointus et passionnants qu'a générés l'article du 18 février dernier à propos d'une table d'offrandes particulière ...
(Encore un 18 ?! Les adeptes de la numérologie se plairont vraisemblablement à supputer ...)
En un mot, ce projet n'est vivant que par le partage de NOS connaissances ...
J'eusse pu toutes ces années aussi joyeusement ratiociner qu'il m'eût plu : sans public, sans auditoire, sans VOUS, assidus, attentifs, mon discours n'eût été que prêche parmi d'autres sur la Toile ...
Depuis six ans, vous m'offrez l'insigne cadeau de prolonger ma passion d'enseigner que la retraite officielle un temps contrecarra ; vous m'offrez les propres chemins de ma liberté ...
Pour tout ce bonheur, je ne vous remercierai jamais assez ...
Ensemble, célébrons, voulez-vous, ces noces de chypre : puissent-elles, grâce aux agréables effluves qu'elles répandent, longtemps encore nous enivrer d'indispensables fragrances égyptologiques ...
Pour ma part, j'espère sincèrement qu'un jour futur, mon Petit-Prince aura lui aussi envie de rédiger quelques mots dans l'esprit de l'incipit sartrien avec lequel je vous ai accueilli ce matin :
J'ai commencé ma vie (...) au milieu des livres.
Dans le bureau de mon grand-père, il y en avait partout ...