Tu te souviens?

Tu te souviens de la première fois? On ne se connaissait qu’au travers des mots des autres, de leurs remarques et de leurs souvenirs.
Moi je me souviens surtout de la boule qui me pesait dans le ventre à l’idée de te rencontrer, à l’idée de vous rencontrer tous. Pour la première fois.
Je ne sais pas ce que j’avais imaginé, j’avais peut-être même rien imaginé en fait, mais je ne m’attendais pas à toi, comme ça.

J’ai tout de suite aimé la petite lueur vive et coquine dans ton regard, tes mains qui s’agitaient quand tu parlais. Et par dessus tout ton sourire qui me montrait l’enfant que tu étais avant.
Tes anecdotes qui m’ont fait rire aux éclats, ton accent terrible qui m’empêchait de te suivre mais qui avait un charme fou.

Tes histoires sur la petite enfance de l’Homme qui partage ma vie, les histoires d’un grand-père fier et nostalgique.

Et il y a eu ce jour où tu m’as demandé quand, enfin, j’allais te faire le plaisir de porter ton arrière petit-fils. Parce que oui, avec toutes tes exigences, il fallait que ce soit un gars! Il fallait que la lignée soit sauvée! Et moi je t’imaginais faisant rebondir sur tes genoux une fillette aux joues rondes. Tu l’aurais adoré.

Et tu vois, finalement tu l’as eu ton p’tit mec, il te ressemble. Beaucoup le disent.Il porte le nom de son père, son grand-père et le tien, toi, son arrière grand-père.
Il porte aussi le mien et laisse moi te dire que je suis vraiment fière de voir nos patronymes si proches, mon nom accolé à celui d’un grand bonhomme.

Tu te souviens de la dernière fois? Tu n’étais pas en grande forme depuis quelques temps, tu te plaignais, ronchonnais, tu n’étais déjà plus le même homme.

Mais quand j’ai posé le Ptit Loup sur tes genoux, c’est ton sourire d’enfant qui est venu illuminer ton visage.

C’est cette image que je vais garder de toi, c’est cette image que j’emporte dans mon cœur, dans mes souvenirs.

Tu te souviens de la première fois? Moi je ne l’oublierai jamais.

Dors bien maintenant.