"Vollard n'avait jamais conçu la littérature comme un apaisement, ni la lecture comme une consolation. Au contraire. Lire follement, comme il avait toujours lu, consistait plutôt à découvrir la blessure d'un autre. Blessure d'un type seul, désarroi d'une femme seule. Lire consistait à descendre en cette blessure, à la parcourir. Derrière les phrases, même les plus belles, les mieux maîtrisées, toujours entendre les cris."
Après l'école, Eva, dix ans, attend invariablement sa mère. Cette dernière arrive de plus en plus tard, bien après les autres mamans, et semble à chaque fois toute prête à oublier définitivement sa fille. Un soir, alors qu'il pleut à verses, l'attente se prolonge et Eva décide, inquiète et paniquée, de retrouver seule le chemin de leur appartement. Une camionnette croise sa course affolée, celle d'Etienne Vollard, le libraire. Le choc est brutal. Eva est dans le coma, et le vieux libraire atterré. Il décide cependant de retrouver la petite fille. A l'hôpital, il s'aperçoit très vite que la mère de l'enfant est dépassée, qu'elle se repose entièrement sur les autres, et plus particulièrement sur lui. Sa mémoire phénoménale, et les histoires qu'elle contient, va l'aider à sortir une petite Eva fragile des limbes dans lesquelles elle est plongée...
J'avais entendu le plus grand bien de ce roman (Prix du Livre Inter 2003), et avais profité d'une réédition de chez Folio pour l'acquérir. Puis, le livre était resté dans ma PAL... non lu. L'ojectif Pal de mars était une bonne occasion de l'ouvrir enfin.
Je dois dire que le roman de Pierre Péju m'a plu, mais que je l'ai trouvé également sinistre et inégal. La pluralité des narrateurs est parfois surprenante, les époques s'enchevêtrent et le style de l'ensemble est assez classique. Pour autant, il est de ces romans qui mettent sur la plus haute marche le goût de la lecture et le livre (avec un L majuscule), et en cela La petite chartreuse est un texte merveilleux, précieux. J'ai soupiré longuement devant l'évocation si réaliste du métier de libraire, et de nombreux passages mériteraient amplement d'être cités dans mon billet.
En voici un qui m'évoque des temps révolus...
"Lorsque Vollard apercevait des livres nouveaux dans leurs cartons béants, une lueur étrangement sensuelle éclairait son regard, un pli de gourmandise tordait un peu ses lèvres. Il aimait aussi éventrer les cartons d'un coup de cutter bien placé, et puis vite, arracher les entrailles. Bouquins palpitants, pissant leurs phrases comme du sang. Toujours la même fringale, après tant d'années. Un frisson de plaisir secouait Vollard. Alors, les mains s'emparaient de ces blocs d'écriture. Il les palpait, les tâtait, les estimait, les retournait, les ouvrait fébrilement, humait l'odeur de la colle et du papier, les parcourait déjà, salivant, regard coupe-papier, se faisant d'un texte une idée rapide mais pertinente, puis il s'emparait de plusieurs bouquins qu'il se réservait de lire la nuit suivante."
Editions Folio - 6.20€ - 2004
Du même auteur j'ai également lu Naissances [clic]
Objectif Pal 2014 : 3/12 (#objectifpal2014)
Mars nous a retenu à l'extérieur avec ses envies de printemps, et son soleil éclatant, mais vous avez quand même lu pour l'Objectif Pal... bravo. Vous pouvez encore déposer votre lien mensuel sur le billet du mois de mars qui se trouve [par là] !!