Stupéfiant, étonnant, surprenant
Perpignan, le 2 juin 1957. Les Perpignanais ont une journée chargée. Juste avant d’aller reluquer "La tunique" de l’ambigu Victor Mature au Star Ciné et de s’encanailler au Dancing Hollywood à la "Grande du nuit du mystère" avec Alain Gérard et ses Boys (!), ils ont un autre rendez-vous. Robby "l’extraordinaire vedette du film Planète interdite" les attend. Sur Altaïr IV ? Non, place Arago, à côté du Palmarium. Oui, messieurs-dames, Robby le Robot en personne et en chair et en os. En Royalite et en boulons en l’occurrence, venu payer de sa personne pour la promo de son film.
Après s’être tapé le ménage et la cuisine et la vaisselle et la couture chez le docteur Morbius, le voici livré aux Catalans qui ne sont pas trop du genre à vendre leur âme à la science-fiction. Corvéable à merci le Robby. Normal pour une star qui n’a pas coûté un rond en cachet à la Metro Goldwyn Mayer. Mais ce grand paquet de tôle à papattes en a vu d’autres. Il vient de descendre les Champs Elysées et de s’appuyer, de sa voix toute monocorde, les questions de la roucoulante France Roche. Tout ça après s’être coltiné les caprices d’Ann Francis, Alta pour les intimes. Un gentleman ce Robby, foi du commandant Adams, mais de quoi devenir misogyne pour un million d’années.
Question : Robby était-il accompagné ce jour-là des membres de l’équipage du croiseur spatial C-57-D ? Et ceux-ci ont-il donné un aperçu à la gente féminine locale de leur manière de dire bonjour à une dame sur la planète Terre ? Ou est-ce tout simplement lui et sa bien pleine de grosse tête qui ont rameutés les foules ? Le film - "Grande première cinématographique interplanétaire au delà des frontières de l’imaginable" - fait un carton. "Affluence record !" "Complet à chaque séance". On rajoute des matinées les après-midi. Perpignan boxe, sauf le dimanche durant l’office, dans le box-office. L’écran est géant, le film familial, le spectacle formidable. Seul le prix du ticket n’est pas astronomique. Que demander de plus ? Un eskimo à l’ouvreuse, peut-être. Toute la ville est stupéfiée par ce spectacle stupéfiant. Faut dire que serrer la pince d’un robot issu de l’inconscient collectif d’une civilisation disparue depuis des centaines de milliers d’années peut donner des idées.
Alors, que reste-t-il de nos amours ? En clair, y a-t-il du Krell dans le Catalan ? Pas sûr. Pas sûr du tout. Krell drôle d’idée. Il y a des jours où je me demande même si le 2 juin 57 n’aurait pas été une sorte de faille spatio-temporelle dans notre (bonne) vieille ville. A moins que l’année d’après, le robot téléguidé de "Prisonnière des Martiens" d’Ishirô Honda ait été envoyé lui aussi dans notre bonne (vieille) ville. Petit hic, celui-ci, moins pacifiste, avait pour mission de capturer des autochtones par paquets de douze pour les ramener sur la planète Mysteroïde et les faire copuler de force avec ces opportunistes de Mysterians. Tout ça pour sauver leur race. Maudite.
Vu le sort du film et de (notre bonne vieille ville) Perpignan, je pense que ce n’était pas une très bonne idée. Dommages collatéraux. Oui, ça doit être ça. Ca ne peut être que ça. En tous cas, une chose est sûre, on n’a plus jamais vu l’antenne d’un robot par ici. Non, je ne suis jamais tombé sur C3PO à la caisse du Monoprix en voulant payer mon Télé 7 jours que j’achète chaque semaine afin de voir s’ils repassent Planète interdite. Ah non…
Les derniers Robby à Perpignan, sur le buffet de la cuisine de l'élève
Moinet, prêts à préparer un bon petit plat et à lui servir le café.