Mon intérêt du XVIIIème siècle : explorer la part d’ombres du siècle des lumière ...
Une constante majeure de mes romans : l’opposition entre la raison et la foi et les superstitions
« Nos scientifiques et nos philosophes ont oublié que, en immolant la foi sur l’autel de la raison, ils ont ôté une chose essentielle à l’humanité : l’espoir. Ce besoin inhérent à l’humanité, tu trouveras toujours d’autres personnes pour l’apporter : devins, guérisseurs, cabalistes, sorciers… Avec eux demeure l’espoir d’un possible au-delà » Casanova et la femme sans visage, page 19
Un antagonisme que l’on retrouve chez les esprits les plus brillants
« Nous avons beau posséder l’esprit scientifique, nous en revenons toujours là, n’est-ce pas ? Grand œuvre et pierre philosophale ! Comment devenir riche et rester éternellement jeune. " Casanova et la femme sans visage, page 216
La raison
On dit que le XVIIIème siècle est le siècle de la raison. Une raison qui exclut Dieu, qui exclut l’au-delà. Cette exclusion n’est pas sans conséquence. Lorsque l’on vide le ciel de ses dieux, on vide le cœur de l’homme de ses espérances. Et l’homme, tout à coup, se retrouve dans une extrême solitude de l’homme, seul face à un monde qui le dépasse et l’écrase. La raison montre l’impuissance et la solitude de l’homme.
La superstition : un phénomène complexe, né dès l’aube de l’humanité
La superstition, c’est l’extravagance d’un esprit qui croit savoir alors qu’il ne sait rien, disait Pascal.
J’ajouterai que la superstition est également le fruit de l’imagination. Les premiers fantômes ont été créés lorsqu’un homme s’est réveillé la nuit.
Deux choses minent l’homme : l’incertitude de son avenir, la certitude de la mort. Il cherchera alors à prédire son avenir et repousser sa mort. Tout ceci nécessite des contacts avec l’au-delà.
Dans Casanova et la femme sans visage, je developpe le thème de l’alchimie et celui de l’immortalité personnifiés par le comte de Saint-Germain. Mais n’oublions pas que le nombre de personnes crédibles génèrent tout autant d’escrocs pour exploiter celle-ci, tel Casanova qui a bien compris tout l’intérêt qu’il peut retirer de la superstition de ses contemporains et s'en joue gaiement contre monnaie trébuchante.
Dans Messe noire, je développe le thème du satanisme et des messes noires. Déviance ? Provocation ? La messe inversée n’a pas finit de faire parler d’elle-même de nos jours et touche tutes les couches de la population.
Face à la superstition, quelles sont nos armes ? Chacun a la liberté du choix de ses opinions et de ses croyances. Le message que développe le moine est simple : être instruit, c’est être libre. Etre libre de croire ou ne pas croire, d’être superstitieux ou pas. Le moine lutte contre le défaut de connaissance, tout comme les philosophes du XVIIIème siècle. Il n’arrive pas tout à fait à la même conclusion qu’eux car, même s’il est athé, il admet qu’il y a des choses qui nous dépasse et que personne ne détient l’ultime vérité.
« Je sais que je ne sais pas » est la seule certitude, socratique, du moine.
La quête de l’identité
Dans les enquêtes du commissaire aux morts étranges, ce dernier a indubitablement une identité propre à trouver et à affirmer. Quant à celle du moine elle est multiple, protéiforme et l'on ne sait jamais s'il est vraiment ce qu'il laisse paraître. Le masque ...
Dans Tuez qui vous voulez, le chevalier d’Eon se travestit en femme pour échapper à ses poursuivants. Travestissement physique et adoption de l’identité de l’autre sexe. D’Eon est un personnage d’une rare complexité et densité. J’ai souhaité m’immerger dans sa personnalité avant de le resituer à une époque où personne ne se posait encore de question sur son sexe mais où son courage, et son esprit narcissique et frondeur, préfiguraient sa future exceptionnelle usurpation d’identité.
La liberté
Un des enjeu fondamental du XVIII ème siècle, siècle des idées.
Liberté de penser et liberté de passer. L’idée se doit de voyager pour se répandre et de sauter par-dessus les frontières pour passer outre la censure. Passer aussi au-delà des frontières comme un Casanova cosmopolite et voyageur infatiguable ou un moine à l’esprit universel.
La liberté a-t-elle des limites ? Non, selon Casanova : J’ai aimé les femmes à la folie mais jamais je ne leur ai sacrifié ma liberté.
Les figures féminines dans mes romans
Et oui, deux enquêteurs hommes mais au fond, n’est-ce pas les femmes les véritables héroïnes de mes livres ? Hélène, Chiara, l’Ecureuil …
J’ai conscience que mes personnages féminins sont à contre-courant de leur époque car ce sont des femmes qui s’affranchissent du carcan des règles de leur temps, en particulier le personnage d’Hélène ou de Chiara. Dans un monde où l’homme est prédateur et dominant, elles refusent cette supériorité imposée.
Le personnage de l’Ecureuil est toutefois là pour rappeler que la femme est plus généralement victime au XVIIIème siècle mais nul ne naît pour être et rester une victime.
Pourquoi une pie ?
Parce que c'est un oiseau fascinant, plus doué que le perroquet pour la parole si on l'éduque bien. Bien entendu, la pie avec laquelle Volnay converse symbolise également la solitude de ce dernier. La pie sera-t-elle remplacée par un écureuil ? Ecureuil qui commence à humaniser un peu Volnay dans Tuez qui vous voulez.
La fin d’un certain angélisme historique
Ce qui m’intéresse dans le XVIII ème siècle, ce ne sont pas les lumières mais les ombres.
C’est aussi la fin d’un certain angélisme historique. Louis XV n’est pas un bon roi, les Lumières éclairent peu de monde. Les conditions de vie de la plupart sont abominables. Les mendiants et les pauvres sont légions à Paris. Leur présence dérange.
- Les gens sans ouvrage constituent un groupe à fort risque, dit Sartine d’un ton affirmé. Notre politique est de contrôler tout groupe à risque et, lorsqu’il devient trop grand, de fortement le comprimer. Après avoir usé de pédagogie, nous employons la force.
C’est la peur de la foule, constance qui revient dans les préoccupations de Sartine :
- Vous ne comprenez pas, Volnay. Ils sont si nombreux. La masse des pauvres nous engloutirait tout entier !
Cette crainte explique pour le pouvoir royal s’est transformé en une monarchie policière qui espionne tout le monde avec un réseau de mouches qui relatent les faits, gestes et opinions de tous.