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Maylis de Kerangal, Prix du Roman des étudiants

Par Pmalgachie @pmalgachie
Maylis de Kerangal, Prix du Roman des étudiants Maylis de Kerangal cisèle les détails tout en ouvrant de larges perspectives. Ce double regard, ouvert et précis, lui avait réussi dans Naissance d’un pont, son précédent roman, Prix Médicis 2010. Elle affine encore son travail dans Réparer les vivants, qui paru en janvier. Et qui lui vaut, attribué hier, remis officiellement demain, le premier Prix du Roman des étudiants organisé conjointement par France Culture et Télérama. Le texte est servi par une magnifique écriture, d’une rare souplesse, sinuant en phrases souvent longues qui se balancent en rythme et fournissent, dans le même temps, les multiples informations nécessaires pour suivre le récit, dense bien que d’une durée limitée – moins de vingt-quatre heures. La matière est technique et plus complexe encore que les calculs d’ingénieurs ou de chefs de travaux occupés à couler le béton d’un pont, à lui assurer son assise, sa résistance et sa flexibilité. Car il est question ici, comme l’annonce le titre, d’un matériau vivant : le corps humain et ce qui lui assure, au moins pour partie, la vie, c’est-à-dire le cœur, pompe résistante et pourtant sujette aux accidents en même temps que siège symbolique des sentiments. Le cœur de Simon Limbres est présent dès la première phrase. Un cœur de jeune sportif, battant au ralenti au repos, accélérant quand il le faut. Un cœur fait pour durer et qui accomplit, ce matin-là, ses fonctions sur les vagues où Simon, avec deux amis, est allé surfer. Sa grande passion du moment, peut-être liée au fait que son père, Sean, construit un tas d’objets flottants. Sean vient de Nouvelle-Zélande et le tatouage maori qu’arbore Simon n’est pas sans rapports avec des origines dont il semble vouloir s’approcher. Mais nous n’aurons pas la réponse à toutes les questions posées par la vie de Simon, car voici qu’elle s’interrompt quand le van dans lequel il rentre avec ses amis s’encastre dans un poteau. Pierre Révol entre en scène, il est réanimateur à l’hôpital le plus proche et prend Simon en charge. Sans espoir : le cœur bat mais l’encéphalogramme est plat. Le jeune homme est entré en coma dépassé et, selon la redéfinition de la mort faite en 1959, l’année de naissance du médecin, « l’arrêt du cœur n’est plus le signe de la mort, c’est désormais l’abolition des fonctions cérébrales qui l’atteste. » Une révolution qui modifie la donne et ouvre la voie aux greffes d’organes. Donneur sain, Simon est un sujet d’exception dont plusieurs organes peuvent être proposés à des patients compatibles. Le ballet de la médecine de pointe est sur le point de démarrer – mais seulement quand les parents de Simon l’auront accepté. Le temps disponible est limité, pas question de prendre plusieurs jours de réflexion. Thomas Rémige, coordinateur des prélèvements et chanteur à ses heures, refuse pourtant de les bousculer, il expose les faits à Marianne et Sean sans tenter d’infléchir leur décision… Le roman de Maylis de Kerangal mêle intimement les questions médicales au bouleversement émotionnel lié à la mort d’un fils, une mort d’autant plus difficile à accepter que le cœur, oui, ce cœur bat toujours. Les deux niveaux de récit se croisent sans cesse, parfois se superposent, indissolublement liés autour du corps et de la personnalité de Simon. Chacun des êtres qui gravitent autour de lui possède en outre sa biographie, envisagée par bribes assez explicites pour lui donner de l’épaisseur. Les détails s’inscrivent avec force dans le paysage global qui n’est jamais perdu de vue. Et Réparer les vivants est un livre qui saisit d’emblée au… cœur, pour ne plus vous lâcher.

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