Chers amis,
Henri III de France qui se trouve à l’instar de ses frères sans descendance, désigne en vertu de la loi salique Henri de Bourbon, roi de Navarre, comme héritier de la couronne de France. A une
époque tourmentée par les guerres de religion, il prend soin de faire signer l’Edit de Nemours en 1585 qui met hors la loi tous les Protestants, afin de sommer le futur Henri IV d’abjurer sa foi
et se convertir au catholicisme. Cette loi trop radicale pour l’intéressé, ajoutée à la mort du prince Henri de Condé, place Henri de Navarre comme chef de file des Huguenots, et ennemi de celui
à qui il doit succéder.
Un accord signé en avril 1589 permet aux deux hommes de retrouver la paix et de combattre ensemble la Ligue Catholique qui tient Paris. Henri III confirme le choix de son beau-frère et cousin,
alors qu’il succombe du coup fatal que le moine fanatique Jacques Clément lui a porté au ventre.
Ainsi le 2 août 1589, la lignée capétienne des Valois s’éteint en même temps que le fondateur de l’Ordre du Saint-Esprit, et celle des Bourbon reprend le flambeau en la personne d’Henri IV.
La tâche n’est pas simple pour le nouveau Roi dont la majorité des Français refuse de reconnaître la légitimité même s’il s’est engagé à respecter la religion catholique. Lâché par une grande
partie de ses partisans et non reconnu par ses détracteurs, c’est très affaibli que le Béarnais doit (re)conquérir son pays. Avant de devenir Henri le Grand, chéri de ses sujets, il est alors le
roi le plus détesté par son peuple que l’histoire n’ait connu.
Si le Vert galant réussit à affermir progressivement son autorité sur les provinces, Paris est une autre affaire. Tenue par le chef de la Ligue Charles de Lorraine, duc de Mayenne de la maison
des Guise, la capitale qui avait déjà chassé Henri III n’est pas prête de céder à un roi protestant.
L’assaut direct qui prouve depuis plus d’un an son inefficacité devient inconcevable : l’usage de la ruse s’impose. Après sa victoire contre La ligue à Arques en septembre 1589, et à Vendôme quelques mois plus tard Henri IV brigue Dreux, autre bastion assujetti à son ennemi et dernière ville proche qui lui résiste. Le Roi désire soumettre à sa cause toutes les villes avoisinantes de Paris afin de bloquer son approvisionnement. Aussi marche-t-il sur la ville Normande avec l’armée royale et ses lieutenants, dont le futur duc de Sully.
Le duc de Mayenne ne peut rester inactif devant ce Roi qui s’avère aussi entreprenant que courageux et déterminé, et s’avance à sa rencontre avec un contingent renforcé par les Espagnols, deux à trois fois plus pourvu que celui de son rival.
Le face à face a lieu le 14 mars 1590 à l’aube, sur la plaine Saint-André, près de la ville d’Ivry, lieu choisi par le Roi qui feint d’abord de fuir. Conscient de l’inégalité numérique et du peu de chance de réussir, il apostrophe Dieu devant les deux troupes : « Mais, mon Dieu ! S'il t'a plu d'en disposer autrement ou que tu voies que je dusse être du nombre de ces rois que tu donnes en ta colère, ôte-moi la vie avec la couronne », puis afin de redonner l’ardeur à ses hommes, aurait lancé cette harangue devenue célèbre : « Mes compagnons ! Si vous courez aujourd'hui ma fortune, je cours aussi la vôtre ; je veux vaincre ou mourir avec vous. Si la chaleur du combat vous fait quitter vos rangs, pensez aussitôt au ralliement ; c'est le gain de la bataille : et si vous perdez vos enseignes et guidon, ne perdez point de vue mon panache blanc ; vous le trouverez toujours au chemin de l'honneur et du devoir », enfin baissant la visière de son casque orné de plumes blanches, charge…
Les plus fidèles s’élancent. Les plus hésitants, frappés par l’audace contagieuse de leur chef, se jettent à leur tour dans la mêlée. Si les premiers mouvements suivent une tactique, la suite de la bataille est une véritable cohue sanguinaire. Les Ligueurs crient plusieurs fois la victoire, les Roi est donné pour mort, mais voici que son panache blanc ressurgit et qu’il encourage encore et toujours ses soldats. L’infanterie du duc de Mayenne est décimée et malgré les pertes du côté protestant, la victoire leur revient.
La bataille d’Ivry, sans doute la plus brillante des guerres de religion, ne rend pas son autorité à Henri le Grand. Elle pose le Roi comme un meneur d’hommes et jette sur lui un éclat que la fin
de son règne ne ternira pas.
Henri IV a gagné une victoire mais pas la guerre. Paris n’est pas encore pris. Si le blocus fonctionne et que la famine s’abat sur la capitale, Henri IV s’émeut de savoir des hommes, des femmes
et des enfants – ses sujets même s’ils le renient – mourir par sa cause. Il préfère « n'avoir point de Paris que de l'avoir déchiré en lambeaux », et envoie des vivres aux parisiens,
réduisant à néant quatre mois de siège.
Il faut attendre 1594 et sa conversion au catholicisme pour qu’Henri IV soit officiellement sacré roi de France en la cathédrale de Chartres et puisse entrer dans Paris, tel un roi légitime.
Albane de MAIGRET