Empreinte de l’atmosphère des tableaux impressionnistes, cette bande dessinée de Michäel Le Galli et Marie Jaffredo offre un agréable parcours dans la fin du XIXème siècle à travers la destinée de trois personnages. Constance Desprez, une jeune provinciale, arrive à Paris dans le but de retrouver son fils, François-Marie, qui lui a été arraché de force à sa naissance car l’union de la jeune femme avec le père de l’enfant compromettait la réputation de sa belle famille. Elle ignore quasiment tout de lui à l’exception qu’il a été placé dans un orphelinat. Bien décidée à le retrouver, elle est guidée par un jeune enfant, Darius, Gavroche espiègle et rusé, et aidée par André Gill, caricaturiste au Journal l’Eclipse, célèbre pour ses portraits-charge.
Plus que la narration et l’enquête en elles-mêmes, c’est peut-être le décor parisien que le lecteur gardera en mémoire, bien que le scénario soit totalement abouti. Les plus grands peintres de l’époque impressionniste évoluent dans le Paris mouvementé et métamorphosé du baron Haussmann. L’oeil de Nadar semble planer sur les planches, inspirées des photographies de l’artiste pour certaines. L’album s’ouvre par ailleurs sur un clin d’oeil au tableau de Monet, "La Gare Saint Lazare". Que les références soient explicites ou plus discrètes, elles fourmillent à chaque page, ne manquant pas de raviver les souvenirs picturaux du lecteur.
Le graphisme, aux teintes assez douces, participe également de ce voyage dans le temps, nimbant les événements d’une brume et adoucissant délicatement les traits des personnages.
L’album bien documenté retrace également l’agitation de la capitale peu avant les événements de la Commune, les combats pour la liberté de la presse et ceux pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Un beau voyage tragique dans le Paris artistique et politique de la fin du XIXème siècle.
Michael Le Galli & Marie Jaffredo, Les Damnés de Paris, Vents d’Ouest, 12 Mars 2014, 22 euros.