Vers une nouvelle ère d'aînés marquée par... le divorce

Publié le 14 mars 2014 par Richardlefrancois

Baptiste Ricard-Châtelain
Les baby-boomers changent radicalement le portrait du couple âgé. La génération qui a démocratisé le divorce, l'union libre et le mariage de conjoints de même sexe bouscule les idées reçues sur pépé et mémé!

Québec - En 30 ans, le nombre d'aînés qui ont divorcé ou se sont séparés a triplé, nous informe Mireille Vézina, analyste au Centre canadien de la statistique juridique de Statistique Canada. Ils sont encore minoritaires - autour de 12 % de nos aïeuls ont déjà rompu au moins une union stable -, mais la tendance est lourde. Le tiers de la prochaine cohorte de retraités, ceux qui ont aujourd'hui entre 55 et 64 ans, ont «expérimenté plus d'une union dans leur vie».

«C'est la génération du baby-boom qui arrive», enchaîne Mme Vézina. La même qui a connu l'adoption de la première véritable législation sur le divorce, en 1968. Et qui a participé à accroître l'accessibilité par une nouvelle loi votée durant les années 80.

Mais ces divorcés ne veulent pas nécessairement rester seuls jusqu'au dernier repos. Plus de 75 % des hommes et 55 % des femmes ont fondé un nouveau ménage! Et la majorité se sont remariés. Les vieux en couple ne forment pas nécessairement de vieux couples, en somme.

N'empêche, même si le mariage a encore la cote, les aînés vivent aussi de plus en plus en union libre, observe Statistique Canada. Surtout dans la Belle Province, société distincte. «Au Québec, la proportion des unions libres a toujours été plus importante. On le voit même chez les personnes plus âgées. C'est une autre tendance qui gagne du terrain.»

Réglons tout de suite l'essentiel : la majorité des couples de plus de 65 ans sont toujours et encore mariés. Quelque 11 % des papis et mamies vivent néanmoins hors du mariage, dans la même maisonnée. Deux fois plus que dans le Rest of Canada (ROC). D'ici quelques années, près du quart des couples aînés du Québec seront concubins!

Mireille Vézina fait également remarquer que, «depuis 30 ans, il y a beaucoup plus de personnes âgées qui vivent en couple, que ce soit en union libre ou mariées». Malgré les divorces, il y a plus de couples âgés qu'avant? Voilà qui mérite explication... «Avant», l'homme décédait pas mal plus jeune que sa douce. Celle-ci parcourait donc les dernières saisons seule. «Au cours des dernières années, l'espérance de vie des hommes a augmenté plus rapidement que celle des femmes.» Voilà qui permet à plus de couples de rester ensemble et à plus d'âmes esseulées de se réunir.

Et oubliez (un peu) le préjugé voulant que Monsieur convole avec une jeunesse. Dans la moitié des ménages de plus de 65 ans, les amants ont moins de trois ans d'écart. Il demeure que 46 % des hommes sont âgés d'au moins quatre années de plus de leur conjointe. C'est parfois l'inverse : dans 6 % des ménages, c'est la femme qui cumule au moins quatre ans de plus que son homme.

Cas de solitude

Au-delà des chiffres sur les couples, il ne faut pas oublier d'entrevoir la solitude importante vécue par tous les autres, ceux et celles qui ne se rembarquent pas dans l'aventure, commente le sociologue Richard Lefrançois, lui-même retraité. Il était professeur à l'Université de Sherbrooke et chercheur à l'Institut universitaire de gériatrie.

«Les couples vivent plus longtemps en couple», certes. Mais lorsqu'un conjoint décède ou que le mariage éclate, tous ne sont pas enclins à chercher une nouvelle âme soeur. «Plus ça arrive tard chez les femmes, moins elles ont tendance à être intéressées à revivre en couple. C'est plus difficile pour les hommes d'accepter la solitude.»

«Les femmes ont une espérance de vie plus longue», explique-t-il. «La solitude de la vieillesse touche donc beaucoup plus les femmes.»

Les familles vont aussi être ébranlées, analyse Richard Lefrançois. «La dynamique» change quand grand-papa, fraîchement divorcé après un long mariage, débarque avec sa nouvelle flamme... Enfants et petits-enfants devront s'ajuster.

Parlant d'ajustement, soulignons que les couples homosexuels et lesbiens franchissent lentement mais sûrement le cap de la retraite. Statistique Canada en compte environ 4000. Au cours de la prochaine décennie, le groupe devrait croître rapidement pour atteindre au moins 10 000 couples de même sexe de plus de 65 ans.

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