Il faut, d'abord, imposer Le roman de Madame Pomme à tous les centres de formation d'enseignants comme ouvrage principal. Deuxième mesure : les directions des lycées, collèges, etc. les offriront aux professeurs. Le livre sera également fourni aux parents d'élèves et aux élèves eux-mêmes. Et, bien entendu, il est conseillé à tous ceux qui ont étudié dans une école. C'est ainsi que tous ceux qui fréquentent ou ont fréquenté le monde scolaire acquerront la pointe de dérision et de malice qui leur permettra de relativiser les situations vécues et de réenchanter leur quotidien.
La délicieuse Madame Pomme (c'est un surnom) pose en effet sur ses activités d'enseignante un regard naïf et audacieux. Férue de littérature, elle fait des épopées avec les menus incidents qui animent une heure de cours. Avec elle, et grâce à l'humour badin de l'auteur, les difficultés et les tensions se transforment en enchantements.
Une suite de récits brefs, d'épisodes mettent notre héroïne en situation : dans ses classes, pendant le voyage d'étude, dans la salle des maîtres ou dans les cafés où elle croise ses élèves. Une forme du texte qui est liée à l'histoire de sa composition.
Madame Pomme a d'abord été un personnage de blog, livrée en feuilleton hebdomadaire par Reynald Freudiger. Rien d'étonnant en somme. On sait qu'internet devient le lieu littéraire du work in progress et le premier moment de la confrontation avec le lecteur.
Pourquoi en faire un livre, donc ? C'est ce que Freudiger explique ici : « Mais le feuilleton, un jour, s’achève, et alors l’œuvre change de statut: elle se fige. Or ce qui est figé convient très mal à Internet, où tout est mouvement et actualisation, de sorte que la question d’une publication papier doit au final se reposer (pour peu bien entendu que l’on accorde à l’œuvre achevée de la valeur en soi). »
Et, ce que je pourrais ajouter, c'est que l'ensemble, plutôt que le discontinu, sied bien à Madame Pomme. Autre avantage : les dessins d'Albertine qui illustrent l'ouvrage en écho très réussi.
Les esprits chagrins qui feuilletteront le livre affirmeront que mon flot de louange est motivé par la vanité. Il advient en effet que Madame Pomme me cite. Page 53.
Eh bien, c'est vrai. Je suis très fier d'être un personnage de Madame Pomme, et de côtoyer ainsi l'auteur lui-même. À la fin du livre, en effet, en guise de catharsis, l'enseignante se résout à commencer un roman : Les Aventures de Monsieur Freudiger, « le tableau d'un enseignant qui a la sotte prétention d'être écrivain. »
Et un excellent écrivain, dont on avait déjà pu savourer La Mort du prince bleu et Àngeles, qui lui avait valu le prix du Roman des romands en 2012.
Tenez, un petit cadeau en guise de conclusion. Le quatrième de couverture :
« Madame Pomme descend plus ou moins directement de Don Quichotte et de Candide. Les temps, évidemment, ont bien changé, mais ce sont là, indéniablement, des ancêtres. Un peu plus bas dans l’arbre généalogique, plus proches aussi de Madame Pomme, on trouve le Docteur Festus et Madame Bovary. Et parmi les cousins et les parents plus immédiats, on peut distinguer Monsieur Songe, Plume, Marcovaldo, Oreille rouge et Un certain Lucas. Sans oublier Le Petit Nicolas. En pensant à ses glorieux ancêtres et à ses proches cousins, Madame Pomme est prise de vertige. Puis elle soupire en haussant les épaules. »
Reynald Freudiger, Le Roman de Madame Pomme, L'Aire