Il y a ce flux temporel, et les paysages fondateurs, équilibrants. Arbres et bêtes qu’on ne sait nommer mais qui structurent l’évidence :
nous vivions comme en filigrane
dans leur ensemble énigmatique
Et la conscience de se juger, à une échelle infinitésimale mais réelle, alternativement comme salvateur ou prédateur du monde :
comment t’accepter
toi glorieux
toi massacreur ?
La maladie, terrée dans les viscères et leur nuit inaccessible, donnerait des velléités d’introspection de sa propre chair
ainsi notre rate
qui a taille d’un poing.
Tentative de connaissance intime de sa viande pour accepter ou comprendre.
Marie-Claire Bancquart catalyse par toute son écriture le plus simple atome, la moindre cellule, jusqu’au rien tout sec, la terre entière autour d’elle. Il y a de la ferveur et de l’enthousiasme dans cette quête inextinguible, voire de l’orgueil confesse-t-elle. Elle parle de « magie du vivant », tant cette appréhension reste mystérieuse et sidérante.
Le titre d’une des six parties de son recueil : Nous espérons, nous implorons est une reprise inversée du vers : Nous explorons. Nous espérons… où l’on devine un des rares moments de découragement ou de résignation dans cette écriture combative et passionnée.
Brièvement
nous aurons parcouru la vie
Mais ce constat n’implique nul regret lorsqu’on sait aimanter les belles choses et agglomérer les lumières de l’aube, les regards des gens et les nuances de l’invisible.
Un arbre en travers de mon corps
me maintient droite…
Ce livre de Marie-Claire Bancquart s’ouvre bien comme un vade-mecum du poète pour franchir seuils diaphanes et frontières intangibles.
[Jacques Morin]
Marie-Claire Bancquart, Mots de Passe, Le Castor Astral