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Dernière partie de pêche

Publié le 14 mars 2014 par Dubruel

DEUX AMIS

François Sauvage, mercier

Et Jacques Morissot, horloger

Se serrèrent la main énergiquement.

-« Eh ! Quel temps ! »

-« C’est le premier beau jour du printemps ! »

-« Allons pêcher comme autrefois. »

Ils allèrent prendre leur équipement :

-« Je connais le colonel Dufoix,

Il nous donnera des laissez-passer. »

Les avant-postes traversés,

Les pêcheurs se sont installés, pieds ballants

Au-dessus du courant.

-« Quelle douceur ! »

-« Je ne connais rien de meilleur. »

Sauvage prit le premier goujon.

Morissot attrapa le second.

-« Pas loin d’ici, y a les Prussiens…»

-« Y en a partout des Prussiens. »

L’inquiétude paralysa les deux amis.

-« Ils sont autour de Paris

Depuis des mois, tout-puissants,

Massacrant, pillant, affamant. »

Pris d’une terreur superstitieuse,

Et de haine pour cette armée victorieuse,

Sauvage colla sa joue au sol pour écouter

Si par hasard on marchait à proximité.

-« Non. Nous sommes seuls,

Bien seuls. »

Rassurés, les deux amis se remirent à pêcher.

Ils ne pensaient plus à rien.

Ils pêchaient.

Soudain, du côté du Mont-Valérien

Le canon tonna.

-« Faut-il être idiot pour se tuer comme ça ! »

-« C’est pis que des bêtes. »

Morissot venait de saisir une ablette.

-« Dire que ce s’ra toujours ainsi tant

Qu’il y aura des gouvernements. ! »

-« Avec les rois, on avait les guerres dehors.

Avec la République, on a la guerre dedans ! »

-« Je suis d’accord. »

Entendant

Une nouvelle détonation,

Sauvage assura avec conviction :

-« C’est la vie. » -« C’est la mort, plutôt. »

Rétablit Morissot.

Soudain, ils sentirent

Qu’on marchait derrière eux.

Ils tournèrent les yeux

Et tressaillirent aussitôt.

Quatre Prussiens étaient là debout,

Les tenant en joue.

Sauvage et Morissot

Furent conduits auprès du commandant allemand.

Celui-ci, dans un français excellent

Leur demanda : -« Vous pêchez ?

Non, vous nous espionnez.

Vous faisiez semblant de pêcher.

Vous ne pouvez le nier. »

Les soldats Prussiens épaulèrent, tirèrent.

Les pêcheurs s’écroulèrent.

Le commandant reprit sans manière :

-« Maintenant, c’est au tour des poissons. »

Il ramassa le panier rempli de goujons,

Appela la cantinière :

-« Fais-nous frire cela immédiatement ;

Ce sera excellent ! »


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