Il y a quelques jours, je lançais un défi à FAT OWL, une commentatrice qui fréquente mon espace depuis quelque temps et qui y apporte, par ses interventions, une dose de sagesse et d’intelligence remarquable.
Le défi consistait à produire un billet sur le sujet de son choix. FAT OWL a été prompte à nous proposer ce qui suit!
Fable of the Bees: or, Private Vices, Publick Benefits
Je remercie tout d’abord Hmida pour la confiance qu’il me prête, en me confiant une partie importante de son espace et je m’excuse d’avance pour mes fautes, pas seulement de frappe (en italien c’est ce qu’on appelle “mettere le mani avanti “, càd prendre ses prècautions).
J’ai cherché un sujet qui pourrait être un peu commun à la réalité de nos pays et je lui ai donné un titre qui, comme nous le verrons, n’a que le but de faire le titre, avec une vague pertinence à ce sujet.
Fable of the Bees: or, Private Vices, Publick Benefits
Mon pays est un pays de relativement récente unité politique (d’après les temps de l’histoire) et cela a justifié selon de nombreux historiens, le manque généralisé du sens de l’état. L’État était considéré (bien sûr je simplifie et généralise) comme «l’autre», pour ne pas dire l’ennemi. C’était l’état unifié par une dynastie considérée usurpatrice par plus de la moitié de la population, qui forçait les jeunes à faire son service militaire, imposait les taxes, donnait des règles qui n’avaient souvent rien à voir avec la mentalité courante.
Et aujourd’hui, après si longtemps, subsiste encore la même mentalité.
Nous nous plaignons de la corruption, mais nous faisons recours à tous les moyens pour obtenir des avantages non dus ou même pour obtenir les choses auxquelles nous avons droit. Y a-t-il beaucoup de différence entre le corrupteur et le corrompu?
On demande à l’État de fournir les services appropriés, mais le niveau de la fraude fiscale est très élevé. Y a-t-il beaucoup de différence entre ceux qui ne demandent pas de facture pour une prestation et ceux qui essayent de ne pas donner cette facture?
Le taux de chômage est alarmant, mais le travail non déclaré est très répandu.
Quelle est la différence entre ceux qui ne paient pas de cotisations sociales et ceux qui acceptent de travailler dans le noir pour des salaires plus élevés, ayant déjà un emploi régulier?
La recommandation, voir le piston, est une méthode très courante pour accéder à des postes de différents niveaux. Quelle est la différence entre ceux qui se font pistonner et ceux qui acceptent de préférer le pistonné au méritant?
Les villes sont sales et les gens protestent. Mais qu’est-ce qui distingue le maire qui gère mal le service de collecte des ordures et le passant qui jette à terre le mégot de sa cigarette?
Nous pourrions continuer avec de nombreux autres exemples, qui forment une image assez sombre, qui dépeint une société profondément schizophrène. L’intérêt de l’individu pour sa vie quotidienne prend le pas sur celle de la communauté, en dépit de toutes les déclarations d’intention et les affiliations politiques.
A cette représentation, on oppose normalement une objection fondamentale: que de tels comportements sont la défense des membres les plus vulnérables de la société, forcés d’avoir à se défendre contre les abus du plus fort ou du plus puissant. Ce qui implique que la faiblesse justifie ces comportements, tandis que l’autre partie est intrinsèquement coupable, en étant la cause. Si c’est le cas, ça ne finira jamais, car nous n’aurons jamais une société parfaite, si ce n’est dans les utopies.
Une autre objection est celle qui décrit un tel comportement comme typique de la partie la moins développée du pays, de manière générale le Sud, qui Metternich définit comme « un peuple quasi-barbare, d’une ignorance absolue, d’une superstition sans limites, fougueux et passionnel comme les Africains, un peuple qui ne sait ni lire ni écrire et qui résout les choses avec le poignard » et à propos du quel les mêmes intellectuels napolitains du XIXe siècle disaient qu’ « un voyage en Calabre est l’équivalent d’un voyage au Maroc ».
Mais en réalité dans les régions les plus riches du pays, le niveau de corruption (pour ne se limiter qu’à cet exemple) est beaucoup plus élevé, comme il est logique où il y a plus d’argent et les slogans des politiciens de la Lega Nord ont été ridiculisés par l’achat aux frais des contribuables d’articles pas correctement liés à une utilisation politique, comme ce fut également le cas pour l’extrême droite dans le Tyrol du Sud.
Que faire alors, en plus des enquêtes de psychologie sociale, pour réduire l’écart entre le comportement privé égoïste et vertu civique requise par l’éthique? Comment redonner un sens au pacte entre les citoyens et l’État?
Évidemment, je n’ai pas de recettes pour des solutions définitives, mais je crois que la participation des citoyens qui souffrent d’une telle situation dans les activités associatives destinées à stimuler à la fois le contrôle des élus soit l’éducation des électeurs est l’un des rares moyens à notre disposition.
Sinon, continuer à nous plaindre d’une façon complètement stérile, laissant comme exemple pour nos enfants et nos petits-enfants notre renonce à essayer d’affecter les défauts de notre société.
p.s. = J’ai donné comme titre à cette modeste intervention ce de l’oeuvre de Bernard de Mandeville, philosophe hollandais du XVIIIe siècle, qui soutenait que «vices privés font le bien public » et que « une société ne peut avoir en même temps morale et prospérité et que le vice, entendu en tant que recherche de son intérêt propre, est la condition de la prospérité »
(http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fable_des_abeilles
http://en.wikipedia.org/wiki/Bernard_Mandeville /)
Mais ceci est un autre sujet qui est au-delà de mes réflexions sur la conduite quotidienne de mes / nos concitoyens.
p.s. 2 = J’aurais préféré moi aussi écrire un billet sur un voyage au Maroc …