Délits d’Opinion : François hollande a lancé son pacte de responsabilité. Mais sa parole est-elle encore audible ?
Non sa parole n’est pas audible, car il ne travaille pas sa communication. Il va devant les caméras avec un message à faire passer, sans réfléchir à la façon de préparer le terrain, sans penser aux cibles qu’il a devant lui. Le travail en amont sur l’opinion est faible de même qu’il n’y a pas de travail en aval sur la réception du message. Hollande travaille sans filet et sans parachute.
Or, les Français ont leur propre agenda, ont leurs propres préoccupations qu’il faudrait d’abord connaître avant de les gaver comme une oie. Aujourd’hui, il faut connaître l’opinion, préparer le terrain, et voir comment la stratégie qu’un Président a en tête pour son pays peut s’accorder avec les aspirations de son peuple, et ainsi créer les conditions d’une nécessaire alchimie.
Aujourd’hui, comme le théorise Denis Pingaud dans « L’homme sans com », l’homme politique doit aussi être en campagne après avoir été élu. Il doit être en campagne permanente. Certains ministres le font très bien.
Délits d’Opinion : Hollande a relancé sa page Facebook, mais a t-il vraiment une stratégie digitale ?
Il n’y a pas de stratégie dans la communication de François Hollande. Ni de façon globale, ni sur les réseaux sociaux.
Or pour un Président, les réseaux sociaux sont un superbe moyen de faire partie de la conversation nationale. Cela suppose d’accepter qu’on ne contrôle plus tout, mais que l’on existe parmi les autres. En utilisant les réseaux sociaux, Hollande peut jouer sur le phénomène de rareté, peut jouer sur l’inattendu, peut varier les réseaux sociaux en fonction du message. Obama, par exemple, était allé sur les réseaux sociaux variés, et même sur Linkedin.
Et cela marche formidablement bien : on dit aux gens : vous pouvez me poser toutes vos questions. Ainsi, les citoyens vont plus spontanément dialoguer, ce qui permet de créer un lien émotionnel fort. Or c’est précisément ce qui manque à Hollande. Son incapacité à habiter les habits de Président provoque aujourd’hui un rejet. L’intuition initiale d’être anti-Sarkozy a fonctionné pour gagner la présidentielle. Cela a rendu Hollande sympathique. Mais depuis, il n’a pas su construire d’image en positif. Il y a un gros point d’interrogation. Il n’y a pas réellement de Président. Et tout ce vide crée une frustration
Délits d’Opinion : Quel est l’impact de la vie privée d’Hollande ?
Les Français disent ne pas être influencés par la vie privée de François Hollande. Mais en réalité, ils sont très marqués par un élément qui leur permet de mieux connaître et comprendre ce Président qu’ils ont tant de mal à saisir.
Ce que l’on retient de Hollande, c’est son infidélité, mais surtout une forme d’immaturité par rapport au pouvoir. Il veut donner une impression de maitrise dans un océan de perte de contrôle et de déconnexion face au réel.
Dans le contexte de crise, cela donne le sentiment que le Président, qui se balade la nuit en scooter à Paris, n’est plus du tout en phase avec les Français et n’est pas totalement à son poste.
Délits d’Opinion : dans un peu plus de deux mois auront lieu les élections européennes : comment éviter l’inéluctable succès annoncé du FN ?
Il faudrait banaliser le FN, accepter qu’il soit dans le jeu démocratique. Car tant qu’on isole le FN du marché politique, tant qu’on donne au parti un aspect sulfureux, on le valorise aux yeux des électeurs.
Il y aussi un problème de fond dans la manière dont on fait la communication politique. J’ai discuté avec une ouvrière à côté de Nantes, récemment. Et ses propos m’ont beaucoup frappé. C’est une électrice de Hollande de 2012. Et elle me dit « je ne voterai plus pour la gauche. En revanche je voterai pour Marine Le Pen, car je me sens proche émotionnellement d’elle. Elle est au diapason avec moi ».
Ce n’est pas le discours antisémite et raciste de Le Pen qui marche, c’est le ton : Marine Le Pen a endossé la colère du peuple. Marine Le Pen a réfléchi à son rapport au peuple. Et cela me désole que des personnalités politiques d’autres bords n’aient pas fait ce travail.