A l’occasion de la journée contre la censure, un rapport cible les institutions au cœur de la cybercensure sous prétexte de sécurité nationale.
Juin 2013, Edward Snowden révélait les pratiques de surveillance massive de la Government Communications Headquarters (GCHQ) au Royaume-Uni et de la National Security Agency (NSA) aux États-Unis. Si les pratiques liées à la censure et à la surveillance n’étonnent pas dans des pays comme la Chine ou la Syrie, il est surprenant d’observer que certaines institutions établies dans des démocraties s’avèrent pratiquer également ces méthodes. C’est ce que révèle le rapport détonant "Ennemis d’Internet 2014" de Reporters Sans Frontières (RSF) publié à l’occasion de la journée contre la censure. Ce rapport cartographie 32 institutions, considérées comme "au cœur de la censure" et met en avant leur volonté de préservation de la sécurité au détriment des libertés fondamentales. "C’est inquiétant qu’au prétexte de la protection du territoire, le GCHQ et la NSA ont déployées des moyens d’espionnage énormes dont l’ampleur n’a été saisi qu’après les déclarations de Snowden" relate Grégoire Pouget, responsable du bureau Nouveaux Médias chez RSF.
Le risque de la surveillance massive
Ainsi, "la NSA a payé une société américaine qui sort des standards pour abaisser le niveau de chiffrement et acheté auprès d’une société française des failles de sécurité qui lui ont permis de pirater tout un ensemble de routeurs. En piratant et laissant les failles ouvertes c’est une vision à court terme de la sécurité" juge Grégoire. "Une faille exploitée par la NSA est une faille exposée et sera à terme exploitée par d’autres" poursuit-il. Mais celles-ci ne sont pas seules : le rapport pointe du doigt notamment la Colombie qui, par le biais de la mise en place d’une cellule de surveillance numérique, a intercepté 26 000 mails entre les FARCS et des journalistes internationaux. En Tunisie, c’est la création de l’Agence Technique des télécommunications qui posent problèmes. Celle-ci, destinée à lutter contre les “crimes d’information et de la communication, a ainsi été imposée par décret, sans concertation avec la société civile et sans mécanisme de contrôle possible. D’ailleurs, l’adoption de lois censées protéger la sécurité nationale au détriment des droits communs semble être monnaie courante : en France, le Parlement a adopté la loi de programmation militaire qui permet une surveillance des communication sans intervention d’un juge sous prétexte de sécurité nationale, préservation du potentiel économique de la France et de lutte contre la criminalité.
Les recommandations de RSF
De même, en Turquie, un amendement à la loi sur internet force les fournisseurs d'accès internet a adhérer à une structure afin de centraliser les demandes de blocages et de retrait de contenu sous peine de fermeture forcée. Toutefois, "ces institutions traduisent une volonté politique mais la censure ne se limite pas à elles, les société privées ont également un rôle capital dans la surveillance et la censure sur Internet" nous explique Grégoire Pouget. Pour palier ces dangers de la surveillance massive, le rapport dénonce notamment le rôle important joué par les sociétés privées spécialisées dans l’interception des communications ou le blocage de contenus en ligne sans qui "la censure et la surveillance par les institutions ennemies d’Internet ne seraient pas possibles". Ainsi, dans la liste des "Ennemis d’Internet" on retrouve ceux que RSF qualifient de "dealers de la surveillance" à savoir les trois salons d’armement ISS World, Technology Against Crime et Milipol. "Ces salons sont fermés aux journalistes et deux d’entre eux se sont tenus en 2013 en France" souligne Grégoire. A ce propos, le rapport recommande aux Nations-Unis "de réfléchir à l’élaboration d’une convention internationale relative à l’exportation de technologies de surveillance de l’Internet".